La femme adultère

Saint Jean dans son Evangile (8. 1-11) décrit l'épisode où une

femme ayant été prise en flagrant délit d'adultère est amenée devant

Jésus. aux fins de lapidation, selon la loi promulguée par Moïse. Or Jésus

lance aux accusateurs la phrase célèbre : "Que celui d'entre-vous qui est

sans péché lui jette le premier une pierre" , et tous s'en vont, en

commençant par les plus vieux. Resté seul avec la pécheresse, Jésus lui

dit :" Va et ne pèche plus".

Beaucoup de commentateurs aujourd'hui se font un plaisir de

glorifier la mansuétude du Seigneur, car celui-ci, pensent-ils, pardonne

d'office tous les péchés, qui ne sont jamais "retenus", l'enfer étant

certainement vide. La vie de tous les hommes se déroule toujours sans

risque.... Mais diable (!), quelle est donc la signification des traits que

Jésus ne cesse de marquer sur le sol pendant cette scène (Joh. 8, 6) ? Les

interprétations divergent.

Je ne suis peut-être pas le seul à penser que le Seigneur avait

en vue son heure, et les nombreux coups de lanière de la flagellation,

dont on a dit qu'ils allaient causer l'expiation par Lui des innombrables

péchés de la chair, ceux de la malheureuse en particulier. Le Saint Suaire

rend ces coups particulièrement patents, en témoin irrécusable du

Sacrifice qui est aujourd'hui généralement escamoté, renvoyé dans le

souvenir, n'est-ce-pas : la Passion ayant été si courte.... On oublie que la

Messe est toujours, quoi qu'en pensent les négateurs, le Sacrifice, qui

rend présente la Passion elle-même, qui rend présents la "formidable

hostie" et le" terrible vin", capables de paralyser l'Adversaire, et de

sauver nombre d'âmes. A chaque communion, l'hostie met en moi

comme une image du Saint Suaire et toute l'angoisse de la Passion,

emportée par l'amour du Sauveur, par le Pain vivant descendu du Ciel.

Quand Guillaume Farel et d'autres réformateurs renversaient

les autels dans les églises pout abolir le Sacrifice, ils ne se doutaient pas

que de nombreux imitateurs catholiques allaient plus tard réduire ce

Sacrifice à :...un repas sacré en mémoire du Christ, présidé par un

prêtre..., et que des centaines de théologiens et d'évêques

abandonneraient la croyance en un péché originel, au diable et en bien

d'autres doctrines fondamentales (1). Les fumées de Satan étaient bien

pourtant bien réelles (cf. Malachi Martin : Le déclin et la chute de

l'Eglise romaine, éd. Exergue 1997, pp. 278-280). Fort heureusement,

Jean-Paul II est le seul dirigeant mondial qui puisse se rendre dans

n'importe quel continent et provoquer une réaction émotionnelle de la

part des chrétiens et des non-chrétiens (p. 297).

On peut observer que l'abolition du Sacrifice entraîne celle du

Décalogue, d'où le sabotage systématique des dix commandements,

visible dans les orgasmes collectifs, ces orgies (soirées techno, etc.)-

perpétrées partout et étalées sur les écrans.

Le psaume 2 est d'une actualité évidente :

1 Pourquoi ce tumulte parmi les nations, Ces vaines pensées

parmi les peuples?

2 Pourquoi les rois de la terre se soulèvent-ils Et les princes

se liguent-ils avec eux Contre l'Éternel et contre son oint? -

3 Brisons leurs liens, Délivrons-nous de leurs chaînes! -

.4 Celui qui siège dans les cieux rit, Le Seigneur se moque

d'eux.

5 Puis il leur parle dans sa colère, Il les épouvante dans sa

fureur:

6 C'est moi qui ai oint mon roi Sur Sion, ma montagne

sainte!

7 ¶ Je publierai le décret; L'Éternel m'a dit: Tu es mon fils!

Je t'ai engendré aujourd'hui.

8 Demande-moi et je te donnerai les nations pour héritage,

Les extrémités de la terre pour possession;

9 Tu les briseras avec une verge de fer, Tu les briseras comme

le vase d'un potier.

10 ¶ Et maintenant, rois, conduisez-vous avec sagesse! Juges de

la terre, recevez instruction!

11 Servez l'Éternel avec crainte, Et réjouissez-vous avec

tremblement.

12 Baisez le fils, de peur qu'il ne s'irrite, Et que vous ne

périssiez dans votre voie, Car sa colère est prompte à s'enflammer.

Heureux tous ceux qui se confient en lui!

Dieu n'est pas mort, n'en déplaise aux esprits "forts".

Jean de Siebenthal

(1) Citation d'un cardinal :

Péché originel: « Tous les hommes ont besoin de rédemption. Mais estce

qu'il n'y a pas d'autre représentation possible que celle du péché en "Adam" ? La

même vérité peut s'exprimer autrement. Pour moi, le péché originel signifie que

l'homme est un être révolté contre Dieu. Qu'ils aient commencé en couple ou à

quelques-uns n'a pour moi aucune importance. On ne doit pas voir cela dans le

cadre du paradis terrestre avec Adam. Le péché peut aussi être un fait congénital :

l'homme veut être son propre maître. Je n'ai jamais vu ni compris la nécessité de

monogénisme pour maintenir cette vérité. »

cf. p.-144 Catholica - Hiver 2000-01

 

Le dynamisme du pardon

Notre civilisation, et bien d'autres avant nous, ont été fondées

sur le meurtre. Qu'il nous suffise de rappeler la civilisation égyptienne,

l'empire romain, l'empire mongol, et tous les génocides qui ont eu lieu

dans l'histoire. La logique meurtrière est à l'œuvre partout, elle

éclabousse nos écrans de télévision, nos journaux, à tel point qu'elle fait

partie de notre univers et alimente la violence et la haine en permanence.

Sans cesse il nous est montre combien la violence engendre la violence

par la force du mimétisme. La loi de la répétition est a l'oeuvre sans que

l'on puisse lui entrevoir un terme. Est-il possible de briser la logique

meurtrière, de rompre avec la fascination du mal, avec l'enchaînement et

le déchaînement de la violence ? Est-il possible de sortir de la répétition

et de l'inertie du passé, des mécanismes inconscients mis en place par

l'enfant blessé qui est en chacun de nous ?

L'HOMME BLESSÉ

L'homme est un être de désir qui aspire à la paix, à la joie,

au bonheur. Que désire l'homme sinon d'aimer et d'être aimé, de

vivre la béatitude de la réciprocité dans l'amour ? Le désir fait de lui

un être en marche qui ne peut connaître le repos tant qu'il n'a pas

étanché sa soif d'amour. Cette soif est une soif infinie que le fini ne

peut combler, car le désir est fondamentalement un désir d'être, une

capacité illimitée de Dieu, de l'absolu. " Le comble du désir, selon

saint Grégoire de Nysse, est de devenir dieu ". Dans l'expérience

existentielle, cette aspiration se heurte aux limites des êtres humains.

Quand un enfant vient au monde, il est totalement livré à l'attention

de ses parents, il ne peut pas demeurer en vie par lui-même, il est

totalement dépendant. Il est incapable de survivre un seul jour s'il

n'est pas nourri, vêtu, protégé, s'il ne reçoit pas d'affection. Ce

faisant, il est un appel à l'amour qu'il vient susciter et réveiller dans le

coeur de sa maman et de son papa. Appel qui attend une réponse

fidèle car l'enfant attend tout de ses parents, il aspire de manière

naturelle à être comblé dans son attente, à être accueilli dans ce qu'il

donne. S'il ne l'est pas, il va être blessé. L'expérience sensible est

parsemée de blessures. Autant que mes parents aient pu être disponibles,

attentifs, aimants, ils n'ont pu répondre pleinement à mes appels car ils

sont des êtres ayant leurs limites. Je peux repérer les nombreux

exemples dans mon enfance où mes parents, mes proches n'ont pas

répondu a mon appel ou l'ont fait par une parole, un geste maladroits

voire réactifs. J'ai attendu de l'autre ce qu'il n'a pu me donner. Ces

manques sont des trous d'amour qui m'ont blessé. Au cours de

l'existence, combien de fois ces plaies furent ravivées dans la relation

aux proches. Toutes les considérations sur mes parents, mon conjoint,

mes amis... ne m'enlèvent pas ce que je ressens comme un manque

d'amour, un sentiment d'abandon, une déchirure entre mon aspiration et

le réel qui définissent la blessure. Force est de constater que la blessure

est inévitable, qu'elle fait partie de nos vies. Des blessures répétées

peuvent avoir fait naître en moi le doute sur l'amour de mes parents.

Peuvent surgir des interrogations qui viennent troubler mon coeur : "

Est-ce que je suis vraiment aimé ? Est-ce que j'ai vraiment été désiré ?

Est-ce que je suis vraiment accepté ? " Ce doute exprime une rupture de

confiance qui va m'obliger à devoir me protéger, à prendre de la

distance et vivre la souffrance de la rupture d'amour : Je ne peux plus

m'appuyer sur l'amour de mes parents. Je dois me préserver. Tout cela

montre que là où il y a blessure va naître la peur d'être encore blessé

dans la relation, la peur de vivre ce que j'ai déjà vécu. D'où les

sentiments d'angoisse, d'insécurité qui vont favoriser la mise en place

d'un système de défense, de stratégies de protection pour atténuer voire

éviter la souffrance face à l'autre vécu comme agresseur potentiel. La

plupart du temps ces mécanismes sont mis en place de manière

inconsciente et agissent sans que l'on puisse les contrôler. On peut ainsi

constater des comportements répétitifs liés à des blessures qui ont été

occultées mais ont provoqué des effets durables. Sans qu'il y ait un

mouvement de la volonté, la personne va développer des attitudes

réflexes de défense. La rupture de la relation de confiance entraîne donc

la logique du rapport de forces où chacun s'arme pour se protéger. Il

apparaît de manière évidente que plus un être est blessé, plus la blessure

est profonde, plus il va développer de l'agressivité. C'est dire qu'au

fond il se sent menacé, il ressent sa vulnérabilité qu'il doit protéger

face à l'agression du monde. La violence apparaît le plus souvent

quand l'être est en situation de précarité. De là toutes les recherches

de sécurité que chacun peut mettre en place pour pouvoir survivre.

Celles-ci sont l'expression de différentes compensations que l'on

s'octroie comme autant de justifications inconscientes du manque

d'amour fondamental. Plus l'être humain cherchera à combler son

manque par un système de compensations, par de l'avoir, plus il

voudra assouvir son désir par des objets de convoitises pour satisfaire

un plaisir immédiat, plus il ressentira une insatisfaction chronique et

plus s'accentuera la spirale de la souffrance, de l'angoisse, de

l'anxiété et de la culpabilité. L'agressivité croissante va soit être

tournée contre l'autre considéré comme le responsable de cet

enchaînement, soit contre soi-même dans le découragement et la

dépression. Ne se sentant pas aimée, la personne blessée cherchera à

attirer le regard soit par provocation soit en essayant de se rendre

aimable pour se sentir exister aux yeux des autres. Le besoin être

considéré, reconnu, accepté par l'autre habite le coeur d'enfant de

chacun.

LE MEURTRE DU FRÈRE

Tout ce que nous venons de décrire n'est pas sans faire

écho au récit mythique (au sens ontologique du terme) du quatrième

chapitre de la Genèse. Deux frères, Caïn et Abel font au Seigneur

pour l'un, une offrande des fruits de la terre (Gn 4, 3), pour l'autre

une offrande des premiers-nés de son troupeau et de leur graisse (Gn

4, 4). Il est dit que le Seigneur porta un regard favorable sur Abel et

sur son offrande, mais il ne porta pas un regard favorable sur Caïn et

sur son offrande (Gn 4, 5). Caïn fut très irrité et son visage fut abattu

(Gn 4, 5). Caïn est blessé dans son attente a priori légitime. D'un côté

la colère monte et vient nourrir le ressentiment qui conduit à l'esprit

de vengeance. De l'autre, le découragement qui incline vers la

tristesse. Caïn touché au coeur se révèle violent, habité d'un

sentiment de révolte face à ce qu'il connaît comme une injustice.

C'est à cet endroit que Dieu a choisi d'intervenir pour délivrer une

pédagogie, ô combien éclairante. Dieu va révéler à Caïn qu'il peut faire

de cet événement une occasion de croissance ou une occasion de chute.

Il va le susciter dans sa capacité de liberté. Caïn est mis à l'épreuve de la

confiance. Soit il fait confiance à Dieu et en son Amour et peut ainsi

entrer dans l'intelligence de l'événement pour une ascension spirituelle.

Soit il se laisse glisser vers le doute quant à l'amour de Dieu et à sa

justice et devient la proie des mouvements aveugles de la nature. Caïn

refusera de se laisser interroger par l'attitude divine, ne relèvera pas la

tête et s'enfermera en lui-même. Se laissant submerger par la révolte et

la jalousie, il se vengera de l'offense que Dieu lui a faite en tuant son

frère. C'est ainsi qu'advient le premier meurtre dans l'histoire de

l'homme. Meurtre qui est l'aboutissement d'une logique de rupture à

partir d'une blessure initiale et qui est comme le prototype de toutes les

violences faites à l'homme par l'homme.

LE SENTIMENT D'INJUSTICE ENGENDRE LA VIOLENCE

Ce récit éclaire d'une manière particulière l'attitude de

l'homme face au sentiment d'injustice. Comme Caïn, sous l'effet de

l'offense, nous pouvons être livrés à la tentation de l'irritation puis de la

révolte qui va s'exprimer par le ressentiment, la rancune. Nourrir le

ressentiment conduit dangereusement vers l'esprit de vengeance. S'y

livrer, non seulement fait perdre la paix intérieure mais alimente la

haine contre le frère au point de désirer lui nuire. Le " maugrément "

intérieur pousse à faire le mal que nous ne voulons pas faire (Rm 7, 19).

La rancune puis l'esprit de vengeance entraînent dans une spirale de

destruction qui peut aussi s'exprimer dans la médisance et la calomnie.

Celles-ci peuvent détruire, en quelques jours, une réalisation qui aura

exigé dix ans de travail, ruiner un statut social et accabler à tel point la

victime qu'elle ne puisse trouver d'autre issue que la dépression ou le

suicide. Ainsi, la réaction à l'offense peut amener une surenchère de la

violence et conduire à une logique meurtrière. L'épisode de Caïn et

Abel est éloquent à cet égard. En tout cela, il semble bien que l'être

humain demeure dans la certitude issue de l'enfance selon laquelle tout

lui est dû. D'où l'esprit de revendication, d'insatisfaction chronique,

de faire valoir ses droits. Le mythe de Caïn nous montre que l'attitude

ego-centrée provoque la violence et rend aveugle par rapport aux

dons reçus. Caïn réclame de Dieu d'être justifié dans son offrande,

que Dieu se conforme à son sens de la justice. Or les voies de Dieu ne

sont pas les voies des hommes. Caïn est invité à relever la tête, à se

mettre à l'écoute de la pédagogie divine pour une transformation et

une purification du cœur, pour un chemin de croissance. Il semble

bien que la violence contre l'autre soit l'expression d'une nonacceptation

d'un chemin de croissance. La violence du désir qui ne

serait pas investi en Dieu dans la conquête du Royaume se

retournerait contre l'autre. Caïn va se venger de Dieu sur son frère.

La violence contre le frère serait une violence contre Dieu qui ferait

du frère le bouc émissaire. Les pères de l'Église n'ont pas hésité à

identifier le Christ à Abel. Le Christ s'est fait Abel, il a accepté

librement d'être la victime de la vengeance de l'homme contre Dieu

pour manifester l'amour de Dieu par cette offrande volontaire et

réconcilier ainsi les hommes avec le Père. Il est à remarquer que

l'on trouve toujours des justifications à la vengeance, qu'il y a

toujours de bonnes raisons de vouloir se défendre, se faire justice. Se

justifier, c'est prendre la place du Juste. Cependant, la justification

empêche de prendre conscience de sa responsabilité et des

mécanismes mortifères qui sont à l'œuvre en nous de faon

inconsciente. Le mode de la justification est un rejet de la

responsabilité sur l'autre et un refus de la remise en question : "C'est

de la faute de l'autre ". Bien souvent même, l'offenseur ne veut pas

reconnaître le préjudice qu'il inflige à autrui et de ce fait lui fait

porter le fardeau supplémentaire de la culpabilité. L'offensé peut

ainsi être conduit à porter une ou plusieurs blessures qui ne peuvent

être nommées car non reconnues par l'offenseur. Il peut être amené à

considérer les préjudices comme légitimes et à se sentir fautif.

L'offensé va nourrir alors une fausse culpabilité qui le fera entrer

dans un mimétisme du mal au point de reproduire involontairement

sur l'autre des actes subis. C'est ainsi que celui qui humilie a été

humilié, celui qui vole a été volé, celui qui viole a été violé et celui qui

maltraite a été maltraité. Freud affirmait que la pulsion de mort est plus

forte que la pulsion de vie. Dans les dossiers de la maltraitance, il est

bien souligné que les parents maltraitants ont pour la plupart eu une

enfance douloureuse. " Tous les adultes maltraitants que je rencontre ont

vécu des enfances très douloureuses affirme ", Pierre Lassus (La Vie, no

2724).

L'HOMME EST LIBRE DES DÉTERMINISMES ET DES

CONDITIONNEMENTS

Est-ce à dire que nous soyons définitivement conditionnés par

le vécu de l'enfance ? Certes, non. Déjà, heureusement, il est établi

qu'un enfant maltraité ne devient pas de manière obligée un parent

maltraitant. Par la grâce de Dieu, un chemin de conscience fait rompre

les schémas mimétiques. L'amour est plus fort que la mort. Dans le récit

du quatrième chapitre de la Genèse, l'intervention divine vient affirmer

notre capacité de liberté. La pédagogie divine nous enseigne que nous

pouvons exercer une libre capacité de réponse face aux événements et

aux sollicitations de la vie. Même si cette liberté est altérée, aliénée par

différents conditionnements, elle n'en demeure pas moins une

disposition fondamentale de l'homme qui peut s'exercer à tout moment.

La liberté de l'homme n'est jamais détruite. Si nous regardons dans

notre vie passée, nous constatons que nous n'avons pas su faire

différemment de ce que nous avons fait, mais en même temps, la liberté

de choix s'est toujours proposée à nous. Lors de témoignages, combien

de fois nous pouvons entendre ou lire : " Je sais que j'avais le choix. "

Dans le récit de personnes ayant été victimes d'un accident grave, il est

très souvent mentionné qu'il fut donné le choix entre la vie et la mort.

Ayant choisi la vie, la situation clinique s'était rapidement améliorée. Je

mets en face de toi la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction.

Choisis la vie afin que tu vives, toi et ta postérité (Dt 30, 19). De même,

face à l'offense chacun est libre soit d'entrer dans la spirale du

ressentiment puis de la vengeance, soit de s'ouvrir au pardon. La liberté

permet l'exercice de la responsabilité. Si nous ne sommes pas

responsables de ce qui nous arrive, nous avons par contre la pleine

responsabilité de notre attitude, de notre disposition du coeur, de

notre libre réponse aux événements. Comme nous venons de le voir,

la seule alternative à la vague déferlante de la violence et de la

vengeance est le pardon.

LE PARDON EST UN ACTE DE LIBERTÉ

Peut-on survivre aux blessures de l'enfance, à l'agression

sans le pardon ? Peut-on être dans la paix et la joie dans une

conscience de nos blessures sans le pardon ? Le pardon est un acte de

liberté qui signe une rupture avec la logique meurtrière et libère des

mécanismes inconscients de répétition. Le pardon est l'attitude

enseignée par le Christ pour entrer dans la vie et rompre avec la mort.

Il nous a commandé de pardonner jusqu'à soixante-dix fois sept fois

(Mt 18, 22) c'est-à-dire toujours. Il nous invite aussi à aimer nos

ennemis : Vous avez appris ce qu'il a été dit : Tu aimeras ton prochain

et haïras ton ennemi. Mais moi je vous dis : aimez vos ennemis,

bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous

haïssent et priez pour ceux qui vous maltraitent et qui vous

persécutent, afin que vous soyez fils de votre Père qui est dans les

cieux (Mt 5, 43-45). Le pardon dont parle Jésus n'est pas

psychologique, il dépasse même les forces humaines, car qui peut de

ses propres forces aimer ses ennemis ? Sans le secours de la grâce cela

semble impossible. Ainsi il apparaît d'emblée que l'on ne peut se

disposer au pardon qu'en entrant dans la prière. Comme l'est attesté

dans l'Évangile ci-dessus, le pardon s'exerce en bénissant : Bénissez

ceux qui vous maudissent, et en priant : Priez pour ceux qui vous

maltraitent et qui vous persécutent. Pardonner signifie que l'on croit

plus à la prière qu'en ses propres forces, plus à l'action divine qu'aux

capacités humaines. Pardonner c'est faire de chaque blessure un motif

de prière considérant que sans la miséricorde de Dieu à mon égard,

pourrais-je subsister ? (Ps 130, 3). Pardonner, c'est rassembler

l'ennemi, les ennemis et moi-même dans la même prière. La prière

est là pour ouvrir mon coeur là où il y aurait tant de raisons de le

fermer, tant de raisons de se replier sur soi. Prier, c'est renoncer à

vouloir se défendre, à vouloir se faire justice, plus particulièrement c'est

renoncer à la vengeance. C'est au contraire invoquer la grâce divine

pour qu'elle me libère des forces inconscientes et aveugles qui sont

prêtes à réagir. C'est désirer rompre avec la logique de la violence pour

devenir vraiment fils du Père qui est dans les cieux.

LE PARDON SUPPOSE LA CONVERSION INTÉRIEURE

Ainsi le pardon se fonde sur l'esprit de métanoïa, de

conversion intérieure, par un passage du " tout est dû " au " tout est don

". Se convertir, c'est se mettre sous le regard du Christ qui vient

m'affranchir de la logique de mort et m'aide à faire de chaque épreuve

une occasion de sanctification. Ce faisant l'homme transforme, par la

grâce, les tendances réactionnelles ou négatives en motifs de prière. Ou

il priera pour son prochain ou il le jugera. Celui qui n'est pas avec moi

est contre moi, dit le Christ. Dans cet esprit, un coeur prêt à pardonner

est un coeur qui a conscience de sa propre vulnérabilité, de ses propres

failles, de ses propres manques et qui a conscience d'être aimé jusque

dans sa misère. C'est un coeur plein de compassion parce qu'il se sait

pauvre. Pardonner dans ce sens, ce sera révéler à l'autre qu'il est aimé,

le libérer du poids de la culpabilité et du sentiment d'être non aimable.

Le pardon est la réponse que le Christ a adressé à la faiblesse humaine :

Père, pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu'ils font (Lc 23, 34).

Il est la réponse adressée à la logique meurtrière. Si le Christ

s'est identifié à Abel, il s'est aussi identifié à Isaac et finalement à

toutes les victimes : Toutes les fois que vous avez fait ces choses a l'un

de ces plus petits de mes frères, c'est a moi que vous les avez faites (Mt

25, 40). Il s'est fait bouc émissaire, a accepté d'offrir librement sa vie et

n'a donné qu'une seule réponse à ses bourreaux : son pardon. Le pardon

exprime l'amour plus fort que la mort, fait de la victime un vainqueur :

par sa mort il a fait mourir la mort et a brisé toute logique meurtrière. Il

nous a rappelés à notre liberté qu'il nous invite à exercer pour sortir de

l'aliénation, de l'esclavage des passions meurtrières qui agissent en nous

malgré nous. Ainsi Jésus nous a rendus libres à l'égard du destin et

appelle chacun à devenir le sujet libre et responsable de sa propre

histoire, affranchi des mimétismes et des répétitions mortifères. A

l'homme de se décider, mieux, de se déterminer pour la vie et de

rompre avec la mort par l'exercice du pardon. Celui-ci appelle la

grâce, là où la haine du frère faisait obstacle.

LE PARDON SUPPOSE LA PRIÈRE

Le pardon suppose donc la prière, l'appel de la grâce. Il

commence dans le coeur et dans les pensées. Face à l'offense, soit je

me laisse emporter par le jugement contre l'autre, par le ressentiment

ou par l'auto-justification, soit je m'ancre dans la prière pour l'autre.

Ainsi les anciens proposaient de remplacer la multiplicité des pensées

par une prière répétitive qui soit une invocation de la grâce divine

dans le coeur de l'offenseur, par exemple : " Seigneur Jésus soit béni

dans le coeur de N... ", " N " étant le prénom de la personne à qui l'on

désire pardonner ou même demander pardon. Cette prière est très

efficace et sanctifie en premier lieu celui qui prie. Dans la prière pour

l'autre, il nous est révélé en quoi nous avons à demander pardon ou à

pardonner. Il est très important de pouvoir nommer les offenses,

nommer les blessures, de savoir sur quoi s'exerce le pardon. Il ne

s'agit pas être naïf de l'autre ou même de lui trouver des excuses

mais de l'aimer tel qu'il est. Pardonner, c'est aussi donner à l'autre la

possibilité de voir sa faute et de se repentir, c'est aussi l'aider à

s'accepter tel qu'il est.

Nommer les blessures de l'enfance, les accepter, autant que

cela soit nécessaire, ne suffit pas. Il demeure nécessaire de leur

donner du sens, de les intégrer à notre chemin de vie. L'Évangile

nous invite à en faire des lieux d'offrande comme le Christ lui-même

a répandu par ses blessures offertes la guérison pour l'humanité : Par

ses plaies, tous sont guéris. Les blessures qui font de nous des êtres

souffrants peuvent devenir des béances par où pénètre la grâce. Elles

sont des lieux extraordinaires de conversion et de croissance dans

l'amour par la découverte et la reconnaissance des dons de Dieu à

mon égard. Puis dans un deuxième temps, elles peuvent devenir des

lieux de communion avec tous les blessés de la vie et ainsi

m'introduire dans une vraie compassion rédemptrice. " Les blessures

peuvent devenir des fenêtres qui t'ouvriront sur les tourments de tes

frères ", a pu dire Stan Rougier. Ainsi le pardon permet de faire de mon

passée et des blessures de mon histoire, des lieux de la grâce.

LE PARDON VRAI EST UN PARDON EN VÉRITÉ

Pardon et vérité riment ensemble. La vérité est la condition de

la réconciliation. Il ne peut y avoir de vraie relation s'il subsiste des

non-dits, si chacun ne reconnaît pas ses fautes pour les assumer dans le

repentir, c'est-à-dire dans l'amour de Dieu. Le repentir et le pardon sont

liés (Lc 17, 3) et ne trouvent leur sens que dans la relation à Dieu qui ne

veut pas la mort du pécheur mais qu'il se convertisse et qu'il vive (Cf.

Éz 18, 32). Le pardon n'est pas oubli mais expression d'un surcroît

d'amour qui perçoit la beauté et la richesse de l'autre sans s'arrêter à

l'apparaître, aux apparences. Cela suppose d'avoir un regard neuf qui ne

soit pas entaché des mémoires parasites (jugements, critiques...).

Pardonner c'est dire à l'autre qu'il est plus que ses fautes ou ses crimes,

beaucoup plus que l'image qu'il peut avoir de lui-même. C'est renoncer

à réduire l'autre à ses manques ou à ses fautes, à l'enfermer dans un

jugement, pire dans une condamnation ou dans une culpabilité qui

pourraient le mener à l'endurcissement du coeur. En final, pardonner à

l'autre c'est l'accepter dans sa différence, dans son altérité. Différence

vécue non plus comme rivalité mais comme richesse. L'oubli ne signifie

pas le pardon mais le refoulement. Dans le même ordre l'impunité laisse

triompher le mensonge et peut être un encouragement à la poursuite des

violations. Si la vérité est nécessaire pour se libérer des répétitions de

l'histoire, elle doit s'accompagner du pardon. Les deux sont très

difficilement conciliables. Beaucoup s'y sont essayés, tel Gandhi qui a

été un maître en la matière et pour qui la dimension de la vérité était

centrale. D'autres s'y essaient encore, tel aujourd'hui Nelson Mandela

en Afrique du Sud. Faire la vérité est nécessaire pour que les préjudices

soient bien établis mais elle doit être accompagnée du pardon pour

briser le cycle infernal des rancunes destructrices. En effet, hors de

l'esprit du pardon, la blessure engendre la révolte, le ressentiment, la

rancune, qui vont nourrir l'esprit de vengeance, en bref la violence.

Cultiver le ressentiment, c'est prendre le risque d'entrer dans la logique

meurtrière du jugement, de l'accusation du frère, de la calomnie dans

le secret dessein de se faire justice, de redresser les torts.

DISTINGUER LES ACTES ET LES PERSONNES

La réaction à l'offense peut entraîner une surenchère de la

violence. Les anciens nous invitent dans un premier temps à un

processus de désidentification : " Hais le péché mais aime le

pécheur", affirmait saint Augustin. Il s'agit bien de condamner les

actes répréhensibles mais d'agir avec discernement et miséricorde

vis-à-vis des personnes. Saint Isaac le Syrien ajoutait : " Ne déteste

pas ton frère mais les passions qui lui font la guerre ". C'est préciser

que l'ennemi n'est pas le prochain mais les passions qui couvent dans

ses membres et.... dans les miens. Pour cette raison le chemin du

pardon commence toujours par une conversion personnelle, il se

poursuit en usant de violence contre les passions pour conquérir

l'amour : Ce sont les violents qui s'emparent du Royaume (Mt 11,

12). La violence qui n'est pas au service de la conquête du Royaume

s'exerce contre l'autre. Être dans la révolte contre l'autre, c'est

n'avoir pas pardonné à la finitude, aux manques, à l'offense, c'est

n'avoir pas accepté ma fragilité, ma pauvreté et ne pas avoir posé de

regard clair sur moi, ne pas avoir vu mon propre péché. Hypocrite,

ôte premièrement la poutre de ton oeil, et alors tu verras comment

ôter la paille de l'oeil de ton frère (Mt 7, 5). C'est dire combien la

pratique du pardon suppose un chemin de conversion et une certaine

maturité spirituelle. Son terreau est le désir du pardon. La part de

l'homme est de désirer pardonner, de se disposer de tout son être.

C'est Dieu qui rendra fécond ce désir par un don d'amour. Ainsi le

pardon devient l'exercice de l'amour par l'ouverture à la grâce

sanctifiante. Bien souvent, c'est seulement Dieu, ou le Christ, qui

peut pardonner en nous.

Il nous fait découvrir que l'amour de Dieu est disponible

dans notre coeur, que nous sommes aimés et que cet amour se révèle

au fur et à mesure qu'on le donne. Par lui nous apprenons à devenir

aimants et à nous libérer de l'aliénation enfantine par laquelle nous

sommes en quête constante du regard et de l'amour du proche. La

perspective se renverse. Là où j'avais soif être aimé, je découvre par

l'exercice du pardon que je suis aimé de Dieu, que je ne peux aimer le

proche que par l'amour que Dieu a déposé dans mon coeur. C'est en

donnant et en pardonnant que je manifeste l'amour de Dieu pour

l'homme. Si tu savais le don de Dieu, dit Jésus à la femme Samaritaine

(Jn 4, 10). Il lui montre que lorsqu'elle a attendu être comblée dans son

désir d'amour par un être limité, elle a toujours été déçue. (Elle a eu cinq

maris et celui avec lequel elle vit n'est pas son mari.) Le Seigneur lui

révèle que son désir d'amour ne sera comblé que par l'amour sans

limites. Le Christ nous invite par la Samaritaine à puiser à la source de

l'amour pour pardonner soixante-dix fois sept fois, pour établir la paix

par le moyen de la miséricorde : Soyez miséricordieux comme votre

Père est miséricordieux (Lc 6, 36). II ne peut y avoir de paix en dehors

de l'esprit de vérité et de l'esprit du pardon, en dehors d'une triple

démarche de réconciliation : réconciliation avec Dieu, avec soi-même,

avec le prochain. Ce qui nous ramène aux deux commandements

essentiels de l'amour qui sont toute la Loi et les prophètes : Tu aimeras

ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toutes tes forces et ton

prochain comme toi-même (Cf. Dt 6, 5 ; Mt 22, 37-40). Dans

l'exultation de découvrir une telle capacité d'amour dans le coeur et par

elle d'entrer dans la liberté glorieuse des enfants de Dieu, nous pouvons

faire nôtre la prière de saint François d'Assise : Ô Seigneur, que je ne

m'efforce pas tant être consolé que de consoler, d'être compris que de

comprendre, d'être aimé que d'aimer. Car c'est en donnant que l'on

reçoit, c'est en s'oubliant soi-même que l'on se retrouve soi-même,

c'est en pardonnant que l'on obtient le pardon, c'est en mourant que

l'on ressuscite a la vie éternelle.

Article paru dans la revue Le Chemin, no. 39, 1998.

Reproduit avec l'autorisation du Père Philippe Dautais et de la revue Le

Chemin.

Communiqué par M. Stéphane Salis.

 

 

L'école et les cercles subversifs

Préambule

"Le Royaume des cieux peut se comparer à un homme qui

avait semé du bon grain dans son champ. Mais pendant que les gens

dormaient, son ennemi vint, sema de l'ivraie au milieu du blé, et s'en

alla..."

Cette parabole nous incite à admettre la réalité d'une action

subversive conduite partout dans le monde contre l'ordre établi par Dieu.

Les tiges d'ivraie représentent clairement la Subversion ou Révolution,

cette haine de l'ordre établi par Dieu au "profit" de 1"'ordre" voulu par

l'homme en dehors de Dieu. Examinons cela dans le domaine de l'École.

Je vous propose d'abord un court aperçu de l'action subversive

dans les Écoles de notre temps, qui permettra d'évaluer l'ampleur de la

dégradation. Ensuite, quelques considérations sur l'Ordre éducatif divin

permettront je l'espère de saisir à quel point il reste nécessaire d'avoir ces

écoles où le Christ est en vérité reconnu comme Maître. Enfin,

l'organisme moteur de la subversion analysé dans ses caractéristiques: le

cercle subversif pourra nous inciter à l'action éducatrice qui jaillit des

cercles ou cellules "conversifs" ou cercles de vie, axés sur la vie trinitaire

elle-même.

I) La dégradation de l'école

Dans l'Encyclique "Divini illius Magistri" de Pie XI, datée de

1929, l'auteur cite un écrivain plutôt libéral semble-t-il: Tomaseo, qui dit:

"L'École, si elle n'est pas un temple, devient une tanière".

Dans certains milieux, on s'écrie:" Mais voyons, Pie XI

retarde". Au contraire, en 1929, Pie XI avait de l'avance. Voyons plutôt,

en passant de l'École secondaire à l'Université, et des élèves aux

professeurs.

Le malaise de la jeunesse dans les lycées et Universités

françaises est dépeint de façon lucide par Roland GAUCHER et Étienne

MALNOUX. Je cite librement ces deux auteurs:

"Les comités d'action lycéens (CAL) à Paris furent constitués au

début de l'année 1968 à partir des "comités Viet-Nam de base". Ils étaient

vus d'un fort mauvais œil par les communistes du PCF. Après les journées

de mai 1968, les CAL ont pris une extension foudroyante, ont occupé les

lycées, constitué des piquets de grève, se sont signalés par des

manifestations violentes, que des "profs" flagorneurs ont aussitôt

encouragées. Ainsi sont nés un peu partout une série de petits soviets, à la

fois odieux et grotesques, en une extension galopante.

Les professeurs qui s'abstinrent de faire grève, qui refusèrent de

s'abandonner au courant, eurent à lutter dans des conditions dif - ficiles, et

d'abord contre leurs propres collègues qui, dans certains cas, n'hésitèrent

pas à dresser contre eux les élèves.

D'autres, (proviseurs., professeurs de lycée ou de Faculté)

s'effondrèrent complètement, et furent réduits à l'état de loques., R.

Gaucher)

"L'ensemble des circonstances où se débat l'enseignement

officiel français, dont Dieu est banni produit des résultats amers. D'une

façon générale, on laisse accéder jusqu'au baccalauréat, sans contrôle, sans

sélection suffisante, une quantité considérable d'élèves, qui auraient dû

normalement s'arrêter à un niveau inférieur. Ayant péniblement obtenu leur

baccalauréat vers l'âge de 20 ans, sans culture, sans méthode de pensée,

sans savoir sérieux, ils s'aperçoivent que leur peau d'âne est un titre sans

valeur. Ils n'ont d'autre issue que de continuer dans une Faculté, et comme

ils ne sont bons en rien, ni à rien, ils choisissent les sciences humaines en

s'imaginant que c'est facile".

"La faillite de ce qui fut l'enseignement secondaire, mis à la

réforme dès 1959, a pour suite normale l'effondrement de l'enseignement

supérieur. On voit arriver dans les Facultés les fruits de la

"démocratisation": une "intelligentsia" médiocre, inculte, ignare, sans

jugement, sans esprit de logique, sans bon sens, sans esprit critique, bourré

de vagues notions disparates par des pédagogues fabriqués précipitamment

et dépourvus de qualifications suffisantes pour mériter le nom de

professeurs."

... quand toute la civilisation humaniste et chrétienne de

l'Occident chancelle et bascule, détruite par ceux-là même qui avaient

mission de la défendre; comment les jeunes si mal éduqués, si démunis

intellectuellement, si déconcertés, si désorientés, si désarmés, ne

céderaient-ils pas aux voix trompeuses de toutes les sirènes: tentation de

l'érotisme et de la pornographie qui s'exhibent dans les cinémas,

fleurissent dans la littérature et les revues; tentation des extases et paradis

artificiels; tentation de la nouveauté à tout prix; tentation de la violence

et du sadisme; tentation de l'héroïsme révolutionnaire et des utopies

sociales et politiques; tentation du nihilisme et de la destruction soudaine

et brutale de tout ce qu'on leur a enseigne a ne plus respecter." (E.

Malnoux)

La situation en Suisse semble nettement meilleure, sans

garantie aucune pour l'avenir. La plus grande vigilance s'impose d'autant

plus que des craquements sinistres se font entendre et que des lézardes

importantes apparaissent.

On m'a cité le cas précis d'une école de recrues de fusiliers à

Liestal, qui, à 40 %, étaient formée de jeunes coutumiers de la drogue.

Pardonnez-moi de commencer par une école militaire, mais, regardez ce

signe. Un étudiant bernois m'a certifié que dans les lycées de sa

connaissance, on compte en moyenne 25 % de drogués.

La drogue au sens précis est quelque chose d'effroyable; elle

agit sur le corps et sur l'esprit, sur l'imagination. Je pense néanmoins

qu'elle est moins dangereuse que le virus révolutionnaire qui, lui, atteint

la faculté d'intelligence elle-même, en faisant croire que le bonheur est

dans la haine, dans le conflit, d'où une dépravation complète de la

volonté.

La drogue révolutionnaire circule dans nos régions,

notamment sous la forme du petit livre rouge. Au moment où nos bons

catéchismes précis et solides disparaissent, voici qu'apparaît précis et

complet, le catéchisme du parfait collégien révolutionnaire. J'imagine

volontiers que notre jeunesse, si admirable par sa résistance aux

nombreuses tentatives de corruption, ne fait guère cas de cet opuscule

répugnant et bête. Malheureusement, il suffit qu'une minorité s'imprègne de

ces idées pour engendrer, ces célèbres comités d'action, capables

d'empoisonner tout un collège. Ce livre comprend quatre parties:

L'enseignement, les professeurs, les élèves, le système. Impossible

d'analyser complètement ici toutes les thèses. Relevons cependant que tout

est conçu de manière à dresser les élèves contre les professeurs, ou contre

le système, en produisant ces débiles intellectuels évoqués tout à l'heure:

par suppression des devoirs à domicile, en incitant les élèves à faire en

classe tout autre chose lorsque le professeur est censé être ennuyeux, en

incitant à chahuter. Aux pages 45-46 se révèlent les règles du parfait

révolutionnaire pour se servir des conflits. ..."que de se lancer dans des

conflits et leur trouver une solution, c'est un excellent moyen pour se

connaître les uns les autres et donc une très bonne façon de passer le

temps."

"L'incitation à la grève dans les écoles est claire: p. 53 et

suivantes. Et plus loin:

"Sais-tu qu'en réfléchissant à plusieurs, on peut élaborer sa

propre échelle de valeurs morales et ses propres règles de conduite qui vous

permettent de vous juger les uns les autres ou fonction de ce que vous

estimez juste et valable". (p. 75)

"Sais-tu qu'il n'est pas interdit de jeter à la poubelle la morale et

ses valeurs que les adultes vous enfoncent dans la tête...` (p. 75).

"L'intelligence: seuls les imbéciles y croient" (p. 83). La

sexualité est"traitée" dans les pages 97 à 118, avortement compris de façon

à donner bonne conscience aux fornicateurs, aux pédérastes, aux masturbés

en désamorçant tous les scrupules. C'est de l'ordure, passons.

La fin du livre en accentue encore le caractère satanique:

"Quand il y a de grands conflits d'intérêts, alors ce sont les

actions plus ou moins violentes, grèves, manifestations, révoltes, qui

dénouent les conflits et permettent à la démocratie de continuer à

fonctionner" (p. 169).

Bien plus, écoutez attentivement la dernière phrase:

"Pour changer quelque chose, transformer le monde et le

refaire à notre image, n'oublie pas qu'il faut commencer par agir là où tu

te trouves, dans ton milieu de travail. D'autres, à différents endroits,

mènent aussi une lutte", (p. 175)

N'y a-t-il pas là l'ambition même de Satan ? L'ivraie partout.

Le petit livre rouge est-il le seul à propager l'esprit

révolutionnaire dans les milieux scolaires suisses ?

On observe facilement que les écoles dont Dieu est banni

constituent un milieu de choix pour l'action révolutionnaire. Sous couleur

de neutralité, on doit laisser y enseigner et répandre les idées et les thèses

les plus néfastes. Les bons maîtres, eux, ont fort à faire pour conserver la

dignité de l'homme et de l'intelligence dans ces écoles. Ils sont encore en

nombre appréciable: rendons-leur hommage.

Dans les régions où l'École est catholique, la pénétration subversive

est semble-t-il plus difficile. Or voici ce qu'on trouve dans un

livre titré: "Expression libre" (p. 60)..." par le biais de l'Ecole catholique,

l'État veut former des hommes pour une politique de droite, sans tenir

compte des aspirtations des élèves et du milieu social dont ils sont issus.

De plus, l'alliance Etat-Eglise tend à devenir actuellement un non-sens".

Ce texte est plus perfide que bien des passages du PLR, et

n'est contrebalancé par aucun autre. Plus loin, à la page 148 de ce même

livre, on s'en prend au grec et au latin:

"L'Eglise traîne ainsi un fardeau insupportable qu'elle nous

oblige à tirer avec elle le long des siècles".

Et pourtant, St-Jean nous dit (Joh 19,20) que l'écriteau sur la

croix était rédigé en hébreu, en grec et en latin. Aussi vrai que Jésus est

né hébreux selon la chair, son Eglise elle-même est née hébraïque,

grecque et romaine. Le peuple d'enracinement, c'est le peuple juif; le

substrat intellectuel d'enracinement, c'est la pensée grecque, et le substrat

d'enracinement structural, c'est l'armature romaine. L'Incarnation, c'est la

descente de la deuxième personne de la Trinité dans le peuple juif et la

naissance de l'Eglise dans le berceau méditerranéen. Renier le latin et le

grec, revient à renier l'enracinement judaïque du Christ.

II L'école chrétienne

Assez parlé de la dégradation de l'école, du travail des forces-de

mort, de l'ivraie. Passons à l'Ecole de vie, et voyons quelle est la volonté du

Seigneur, dans sa vie, et dans l'Eglise d'aujourd' hui.

Toute la présence et l'action de Dieu dans l'univers sont

éducatrices. Qu'ile nous suffise au départ de contempler Jésus-Christ,

l'Educateur par excellence.

Il enseigne d'abord par le témoignage de sa vie; pendant trente

ans, Il pratique ce qu'Il va enseigner. Il est pauvre, humble, soumis à ses

parents et à son Père du ciel; Il exerce un métier manuel. Il prie.

Pendant les trois ans de sa vie publique, Il enseigne sous toutes

les formes valables que la pédagogie moderne croit découvrir.

Commençons par le cours ex-cathédra. Il est hors de doute que,

sous la forme où St-Mathieu nous le rapporte, le Sermon sur la montagne

est un exposé "ex-cathédra" (Math. 5.6.7) .

Et prenant la parole, Il les enseignait en disant: Heureux les

pauvres en esprit ...

... quand Il eut achevé tous ces discours, les foules étaient

vivement frappées de son enseignement parce qu'il les enseignait en

homme qui a autorité".

Et en St-Jean (14, 15, 16, 17) dans le discours après la Cène,

quelle admirable leçon magistrale! Toute communion humaine est

suspendue à la communion trinitaire (J. Daniélou)

"Qu'ils soient un comme nous sommes un".

S'IL enseigne les foules, bien sûr qu'Il donne aussi des leçons

particulières, même de nuit, dans l'entretien avec Nicodème:

Car Dieu a tant aimé le monde, qu'Il a donné son Fils unique,

pour que tout homme qui croit en Lui ne périsse pas, mais ait la vie

éternelle" (Joh. 3)

1 Et l'entrevue avec la Samaritaine; c'est celà, le dialogue du

maître à 1'élève. dans la lumière divine de l'amour, dans une exquise

pédagogie.

Jésus.Christ ne craint pas non plus de s'exprimer face à un

auditoire qui veut sa mort (Joh. 5, 19, 47)

"Vous scrutez les Ecritures, dans lesquelles vous pensez avoir

la vie éternelle; or ce sont elles qui me rendent témoignage; et vous ne

voulez pas venir à moi".

Il semble même s'exprimer alors que personne ne fait attention

à Lui (Joh 7,37). ... Jésus, debout, lança à pleine voix: Si quelqu'un a

soif, qu'il vienne à moi et qu'il boive, celui qui croit en moi".

Bien pire, Il dit des choses terribles, à ceux des Juifs qui

pourtant l'avaient cru (Joh. 8,31 ... ) :

"Vous avez pour père le diable ... il est menteur et père du

mensonge". Ils ramassèrent alors des pierres pour les lui jeter".

Dans les petits groupes aussi, Jésus est un maître

incomparable. A Philippe de Césarée: "Qui dites-vous que je suis".

(Mat. 16)

Il dialogue certes, mais jamais Il ne laisse altérer la vérité, ou

la présence de Dieu; sa douceur et sa bonté éclatent au lavement des

pieds; quelle leçon d'humilité: un Dieu est venu pour servir; quelle

fermeté en même temps, quand il dit à Pierre:" Si je ne te lave pas les

pieds, tu n'auras pas de part avec moi". Rien d'une douceur débile.

Dès la Pentecôte, l'Eglise déploie les trésors de son

enseignement, pour atteindre les nations. Je cite quelques étapes (selon

M. Creuzet, l'Enseignement).

"En 529, le Concile de Vaison préconise l'organisation d'une

école dans chaque paroisse. En 789, Charlemagne oblige tous les

monastères et toutes les Eglises à ouvrir des écoles qui seront gratuites

pour les pauvres.

Du 9e au 15e siècle, les moines tiennent des écoles publiques

ouvertes à tous et gratuites pour les enfants pauvres.

Les conciles de Latran de 1179 et de 1215 organisent

l'enseignement secondaire. Que dire de la floraison d'universités dès le

13e ?

Le concile de Trente en 1547, impose à chaque curé d'entretenir

un maître pour l'enseignement du peuple."

Fondations de congrégations enseignantes

En 1592, Pères de la Doctrine Chrétienne, en 1762, 120 collèges

de Jésuites en France.

Fin du 16e à Paris (500.000 habitants: 166 écoles de garçons et

166 écoles de filles) etc etc.

En 1682, Saint-Jean Baptiste de la Salle: Frères des Ecoles

chrétiennes.A la veille de la Révolution française: 900 collèges fréquentés

par plus de 80.000 élèves dont 40.000 avaient des bourses entières ou

partielles. En 1789 à Paris: 500 écoles primaires (la plupart gratuites).

Changeons de continent et regardons l'oeuvre éducatrice de

l'Eglise en Amérique latine, selon le RP Terradas: Une chrétienté d'Outre-

Mer (Nouvelles éditions latines).

Neuf ans après la découverte du Nouveau-Monde les

dominicains commençaient déjà à donner l'enseignement élémentaire aux

enfants dans l'île de St-Domingue, premier pays d'Amérique qui produisit

des hommes de lettres.

En 1551, à Lima, Charles-Quint fonda l'Université, avec des

prérogatives comparables à celles de l'Université célèbre de Salamanque, et

le Pérou devint un exceptionnel foyer de vie intellectuelle.

A Mexico ne tarda pas à être fondée une Université de toutes les

sciences, où les naturels et les fils des Espagnols étaient formés dans les

choses de la Sainte Foi et dans les autres facultés.

En 1551, également, cette Université fut reconnue à l'égal de

celle de Salamanque.

Au concours de 1585, présidé par sept évêques se présentèrent

300 poètes aux oeuvres d'une inspiration élevée. Mexico commençait à

prendre le nom d'Athènes du Nouveau-monde.

De 1538 à 1791, dix-sept Universités surgirent de cette terre

américaine.

Bien plus, une décision royale de 1572 promulguée sous Philippe

II obligeait les vices-rois et gouverneurs de nommer des maîtres de

lettres élémentaires dans toutes les villes de leur juridiction. Un siècle

avant l'apparition de l'imprimerie en Amérique britannique, le Mexique

avait édité en typographie des livres en douze dialectes indiens. A la fin

du XVIe, l'enseignement primaire était assuré partout où il y avait un

groupe d'habitation.Cette floraison extraordinaire de la culture faisait

l'admiration de Alexandre de Humboldt (1827).

Pourquoi tout cela s'est-il effondré au point que l'Amérique

latine regorge d'analphabètes ?

Et aujourd'hui, avons-nous des raisons de renoncer à

l'enseignement chrétien, au profit d'un neutralisme facilement

subverti,dans des écoles laicisantes qui penchent vers un athéisme

susceptible de mutiler notre jeunesse. L'avortement au sens strict est un

crime, un meurtre; une éducation athée fait de l'homme un inutile, un

avorté; si dans certaines cliniques il y a des foetus avortés qui crient dans

des corbeilles, il ne faut pas que nos écoles soient des officines qui font

avorter spirituellement de jeunes destinées promises pourtant dès ici-bas

à la spendeur de la vie éternelle.

La déclaration sur l'éducation chrétienne "Gravissimum.

Educationis " du Concile Vatican II s'exprime avec clarté:

"Ce saint Concile proclame à nouveau le droit pour l'Eglise,

de fonder et de diriger librement des écoles de tout ordre et de tout

degré... l'exercice d'un tel droit est souverainement utile, pour la

sauvegarde de la liberté de conscience et des droits des parents, ainsi que

pour le progrès de la culture". (no 8)

... il s'agit "d'ordonner toute la culture humaine à l'annonce du

salut pour éclairer par la foi la connaissance graduelle que les élèves

acquièrent du monde, de la vie et de l'homme" (no 8)

... le Saint Concile exhorte donc les chrétiens à offrir

spontanément leur concours, et surtout, par les associations de parents. à

suivre et aider tout le travail de l'école, en particulier, l'éducation morale

qui doit y être donnée.

En cette heure où les laïcs (chrétiens) sont aux premières

lignes, en cette minute de vérité du laïcat, à cette heure où l'hérésie est

surtout de l'ordre de ce qui se vit, il faut à tout prix que nous, anciens élèves

d'écoles catholiques, ou parents de tels élèves,fassions l'impossible pour

maintenir ces écoles où le Christ est reconnu comme Maître.

Si la culture s'effondre, si même le catéchisme perd son sel, c'est

à nous d'assurer l'éducation et l'instruction nécessaires à nos enfants.

Soutenons les bonnes écoles, collaborons avec leurs maîtres pour le

maintien d'une ligne sûre.

Ne tolérons pas par exemple, que sous couleur de théologie

nouvelle, on érige le conflit en organe moteur de la vie sociale, qu'on

envisage de déclarer licites les relations sexuelles avant mariage, licites les

relations homosexuelles, et que l'on se permette de décIarer nuls les

commandements de Dieu même s'ils cessent d'être "raisonnables " .

III Cercles de mort et cercles de vie

Comment le grandiose édifice éducatif de l'Eglise s'est-il

pratiquement effondré, au point que la plupart des écoles ignorent le

Sauveur, et que celles qui voudraient continuer à se réclamer de Lui sont

envahies par le naturalisme négateur de Dieu ?

La réponse est donnée par l'existence des cercles subversifs qui

jouent le rôle de l'ivraie, et dont je me propose d'analyser le mode de

fonctionnement, dans ce qu'il a d'essentiel:

A) Le cercle de mort : fer de lance de la subversion naturaliste.

On peut discerner trois caractères:

Principe de la table rase. Un tel cercle groupe des personnes en

nombre variable, plutôt petit. Il se veut neutre: toutes les opinions s'y

valent. Ne parlez pas de Dieu, s'il vous plaît; la religion (catholique) c'est

connu, produit les guerres de religion, l'Inquisition, l'affaire Galilée, la St-

Barthelémy, etc.: vite on agite les épouvantails. L'opération visée est le

lavage de cerveau qui permet d'évacuer tous vestiges d'une structure

provenant de la splendeur de l'être, de la splendeur de Dieu. L'homme se

voulant à la place de Dieu, fait table rase et veut trouver au fond de luimême

sa propre cause (voir le petit livre rouge).

Etes-vous dans un cercle où le nom de Dieu est proscrit ?

Demandez-vous alors si l'on n'y suit pas le principe de Lénine: "Des millions

d'ordures, de souillures, de violences, de contagions sont bien

moins redoutables que la plus subtile, la plus invisible idée de Dieu" !

Principe de noyautage. Tout cercle subversif est noyauté, ce

qui reste invisible à l'observateur superficiel et insuffisamment formé.

Que faut-il comprendre par là ? Le lavage préalable étant

effectué, les deux, trois, quatre ... meneurs indiscernables vont pouvoir

tirer les ficelles de ce pantin qu'est devenu le groupe. C'est parti, le

groupe est manipulé et il est extrêmement rare qu'un membre s'en

aperçoive.

Jean Madiran a montré, d'après la Constitution soviétique (art.

126), que ce mode clandestin régit absolument toutes les associations

(permises). Ne peuvent exister que des organismes pourvu d'un noyau

dirigeant, émanant du parti. Aucune école non dirigée par l'Etat, aucun

séminaire non noyauté et dirigé en fait par ceux qui veulent détruire

l'Eglise.

Aucune paroisse reconnue s'il n'y a pas un noyau dirigeant

émanant du parti.

Des réunions de prières, si discrètes soient-elles, impliquent

jusqu'à cinq ans de prison pour les responsables.

Lisez André Martin: Les Croyants en URSS.

Le noyautage produit l'intrusion dans la société d'une

hiérarchie parallèle. Les organes de subordination normaux sont vidés de

leur signification par le noyautage, qui introduit des décisions prises

ailleurs. Les comités, commissions, groupes ... sont manipulés, en ce

sens que les décisions importantes sont en réalité prises dans les

coulisses par des cercles discrets. Beaucoup d'assemblées, de cercles, de

réunions ... obéissent aux règles de la table rase et du noyautage (les

sociétés secrètes notamment). C'est sous l'action de tels cercles que

l'édifice éducateur de l'Eglise s'est écroulé.

Reprenons notre cercle : le rôle des meneurs est de faire parler

tout le monde, en appuyant insensiblement sur les éléments qui vont dans le

sens préparé, selon l'opinion que le cercle doit avoir sur le sujet déterminé.

Les irréductibles sont neutralisés si possible par quelques arguments qui

jouent sur les épouvantails. Une très bonne connaissance de cette tactique

permet parfois de la juguler, par un contre-noyautage soigneusement

préparé.

Un pas de plus dans l'analyse des cercles subversifs révèle un

troisième caractère le principe dialectique :

Agir contre, frapper sur la plaie, exploiter chaque conflit

suivant une tactique déterminée

Précisons : il s'agit de trouver quelque injustice, difficulté ou

contradiction, de la faire crier, et de se servir de cela, de manière à

promouvoir un mal pire, sous couleur de bien si possible.

Voici un exemple :

Une jeune femme enceinte paniquée croit nécessaire de faire

périr l'enfant qu'elle porte. Si elle fait cela, illégalement au sens du code

pénal, elle est punissable. Le fait que l'avortement soit considéré comme un

crime crée donc une difficulté.

Comment exploiter cette difficulté ? Très simplement, par une

initiative qui tend à modifier la constitution, on se propose de faire déclarer

que l'avortement n'est pas punissable. Toute femme pourrait ainsi sans

complexe et sans poursuite pénale, faire tuer l'enfant qu'elle porte. La

difficulté évoquée provoque ainsi, sous couleur de bien un mal pire: on

décriminalise le crime. C'est tout à fait dans la ligne du petit livre rouge.

Le cinquième commandement :" Tu ne tueras point " serait ainsi

aboli dans ce secteur. Il le serait bientôt dans d'autres. La subversion ne

peut rien inventer, elle ne peut que détruire, par négation de l'ordre divin.

L'ivraie ne peut produire de blé, elle ne peut que l'étouffer, empêcher sa

maturation. Le moteur de la subversion,c'est l'inversion, la négation des

commandements, des préceptes et conseils divins.

Le comble est atteint par la dialectique marxiste-léniniste,en tant

que renversement du plus haut mystère de notre foi : le mystère de la

Sainte Trinité.

La classe exploitante : la thèse, embauche et nourrit les

prolétaires, les exploite et accapare le produit de leur travail.

Cette classe exploitante engendre et détruit.

La classe exploitée : l'antithèse-. prend conscience de son

destin, de la force qu'elle représente, et entre en conflit avec la classe

exploitante. Elle se révolte, jouant le rôle d'antithèse, d'opposition qui se

retourne contre la thèse.

De la lutte des classes résulte une nouvelle organisation des

forces productrices, "synthèse" du conflit précédent, mais thèse de

l'évolution à venir.

Ainsi la classe exploitante, c'est la haine proférée; la classe

exploitée, c'est la haine subie et la lutte des classes, c'est la haine

échangée. La haine,le conflit, c'est le moteur du marxisme et du

communisme, justement déclaré intrinsèquement pervers par PIE XI.

Cette haine atteint des profondeurs atroces : Richard

Wurmbrand, qui a passé 14 années dans les prisons communistes dit ceci

:" Je tremble à la pensée de ce que souffrent les persécutés dans le camp

communiste. Je tremble à la pensée de l'éternité qui attend leurs

bourreaux". Et il ajoute :" Je tremble pour les chrétiens de l'Ouest qui ne

secourent pas leurs frères persécutés".

B Les cercles de vie

Nous voici à pied d'oeuvre : nous connaissons la nature et le

fonctionnement des forces subversives. Nous savons que leurs agents,

consciemment ou non, ne font que retourner l'ordre divin, et tout

spécialement le mystère de la Trinité:

Le Père source et principe engendre le Verbe, Parole éternelle,

qui exprime tout le Père, et l'élan d'amour qui les porte l'un vers l'autre

est une personne, le Saint Esprit. Notre bien est incomparable, c'est

l'Amour: l'Amour donné, c'est le Père, l'Amour reçu c'est le Fils, et

l'Amour échangé, c'est le Saint Esprit.

C'est à ce niveau que notre action doit s'enraciner; si nous

voulons vaincre la malice révolutionnaire, si nous voulons que fleurisse

l'éducation chrétienne. Formons donc des cercles de vie, des cercles

trinitaires, tout irrigués de la divine pédagogie de JésusChrist.

Comment cela ? C'est très simple

La source,et le principe de l'ordre éducatif chrétien sont connus :

l'Evangile, la masse des écrits des Pères de l'Eglise, des Saints Docteurs,

des Souverains Pontifes, des Saints Conciles, l' exemple des saints

enseignants. Mais sur chaque point cela doit être explicité, exprimé,discuté,

commenté, illustré, expliqué, et relié aux problèmes actuels. C'est bien de la

Révélation qu'il s'agit, de la Personne du Fils, vivante dans nos cercles.

Mais bien plus, par l'Esprit-Saint, nous pouvons intérioriser cette

doctrine et la faire transparaitre, rayonner, mettre en pratique, ces directives

seront alors vécues. Nous serons un ferment, capable de faire lever la pâte,

là, où nous sommes, avec prudence et simplicité.

En pratique, c'est tout à fait simple, je le répète, et aux antipodes

de ces détestables procédés de la dynamique de groupe, qui vous lessivent

proprement les cerveaux. Le cercle de vie est un cercle d'étude et d'action:

au travail!

On prend un texte.qui émane de la Source et principe, donné par

l'Eglise et par les fils aimants; ce texte, de façon naturelle, est pris et

préparé par morceaux de quelques pages à tour de rôle par chaque personne

du cercle; elle dit ce qu'elle y a trouvé, ce qu'elle en pense, ce par quoi elle

estime qu'il faudrait le compléter. Ainsi le responsable du jour s'exprime, et

chaque personne du cercle aussi. Cette doctrine ainsi reçue et explicitée

doit être intériorisée. et petit à petit, vécue. Nous ne pouvons transformer le

monde tout de suite, mais nous pouvons déjà former entre nous un milieu

éducatif chrétien, et semer là où nous sommes une graine chrétienne, par la

rectitude de nos sources de pensée, par l'expression précise et aimable de

nos réflexions échangées, et par la vie droite et charitable que nous menons

autant que nous le pouvons? par l'Esprit qui habite en nos coeurs. Une

Source limpide, une Vérité ferme, un coeur embrasé.

 

Pour nous, anciens élèves. éducateurs, parents d'élèves,

chrétiens, la vie trinitaire c'est le fleuve pur des écrits et paroles qui

émanent de tous ceux des membres de l'Eglise qui comme St-Thomas

d'Aquin essaient de répondre aux difficultés en mettant leur tête dans le

tabernacle. De façon plus pratique, ce fleuve, c'est l'ensemble de tous les

documents et instruments que produit une sélection sévère. Ce

jaillissement doit s-'exprimer dans des cercles d'étude et d'action, qui,

avec une régularité indispensable, semaine après semainef se reuniront

pour se tonifier dans l'amitié.

Puissent exister parmi vous, ou se former aujourd'hui de nom

breux tels cercles. La nationalisme, le naturalisme et le marxisme, par le

virus spécifique des cercles subversifs, ont gangréné la société

chrétienne. Les moyens de tout instaurer dans le Christ, quelle que soit la

gravité de la situation,existent. L'un de ces moyens, c'est la constitution

de cercles d'étude.

En Suisse, la situation n'est pas aussi grave que dans d'autres

pays, mais si nous n'usons pas de moyens puissants, nous subirons de

même la subversion. Il ne faut pas que dans notre pays, l'ivraie l'emporte

sur le blé. Puisse la vigueur de notre croissance nous faire échapper à

l'asphyxie que subissent tant d'hommes aujourd'hui.

Jean de SIEBENTHAL

décembre 1971

Parler le français aujourd'hui

On ne peut qu'être intrigué par le titre de plusieurs méthodes

d'apprentissage de langues étrangères ayant pour titre "le Portuguais

d'aujourd'hui", "l'Allemand d'aujourd'hui", etc.

Essayant d'apprendre le Suédois, j'ai acheté le dernier "Assimil" il y

a deux ou trois ans. Tout fier de ma science récente, j'ai ressorti une de ces

petites plaisanteries qui émaillent la méthode, en en montrant le texte au

président d'une séance à laquelle je participais, un Suédois de la meilleure

société. "Attention, m'a-t-il dit, ce mot est de l'argot, il faut employer celui-là"

... je me sentis un peu confus. Dès lors relisant avec plus d'attention le livre j'ai

noté maintes fois " prononciation familière" (élision d'une ou deux syllabes)

mot familier , voire "dans le langage écrit on dirait..." Bref cette méthode nous

apprend une langue des plus relâchées du genre: "Où est ce truc?" "Je n'ai rien à

foutre de ce bidule" etc..

Je n'ai pu m'empêcher de mettre ces textes en parallèle avec les

scandaleux sous-titres de TV5. Pour ceux qui l'ignoreraient, TV5 est la chaine

internationale francophone, celle qui est retransmise à l'étranger, notamment

dans les hôtels du nord de l'Europe. Elle est francophone car elle retransmet des

programmes français, mais aussi canadiens, belges, suisses etc. il m'est arrivé

de la regarder quelquefois, plus par désoeuvrement que par intérêt, ce qui ne

m'a pas empêché d'être atterré par la bêtise des films proposés en soirée et

encore plus par les sous-titres destinés aux "malentendants" ( soit dit en passant

ils permettent de regarder un film en coupant le son, donc sans déranger ses

voisins!) Dans ces sous-titres il n'y a pratiquement pas une seule négation

complète, on peut lire "Je crois pas", " il sait pas", "Nous y allons jamais" . en

revanche les mots les plus vulgaires s'étalent sur l'écran un mec , une nana, un

flic" et même cet horrible adjectif que je traduirai par "laxatif" pour ne pas

"embrener" ma plume comme le dirait Rabelais. Comble d'horreur, j 'ai pu une

fois ou deux regarder des "cours de français"! Depuis trois ou quatre ans, la

dégringolade est spectaculaire. Des esprits chagrins (ou réalistes) feront

remarquer que cette chute est égale à celle de l'enseignement officiel.

Cet état de fait, probablement voulu, est désastreux pour toutes les

langues mais surtout pour celles qui sont peu parlées, ou en perte de vitesse

comme le français car la langue est le reflet de la pensée, on ne le répètera

jamais assez.

Si donc les seules pensées dignes d'être prises en compte sont

celles qui sont exprimées dans un jargon où la vulgarité le dispute à la

grossièreté, une langue vaut l'autre, la plus employée étant la plus

recommandée car la plus facile à mettre sur ordinateur. Quel intérêt y auraitil

à sauver une délicatesse de pensée ou d'expression si tout se résume à des

techniques utilitaires ou à des affaires de bas-ventre?!

Par delà la défense de la langue française en tant qu'écriture ou

musique, c'est une civilisation que nous devons préserver, et cela est vrai

pour toutes les autres langues. Mon interlocuteur suédois avait bien raison de

mettre en garde contre l'avachissement de sa langue comme mon ami

allemand qui m'encourage à utiliser les mots spécifiques de sa langue et à

utiliser "absagen" au lieu de "kanzellieren" pour dire annuler, ou "anrufen"

au lieu de "telefonierent'.

Cette défense nous pouvons tous l'assumer, tous les jours au

téléphone, au travail et même dans un dÎner amical. Nous devons aussi tenter

-avec diplomatie!- d'apprendre à nos enfants que "machin" est tout de même

moins précis que bâton, cuiller, papier, tournevis etc ... Et si vous essayions

de leur apprendre l'usage du passé simple, du subjonctif et du conditionnel?

Si notre langue reste un outil perfectionné, capable d'exprimer les moindres

mouvements d'une pensée profonde, elle subsistera forcément pendant de

nombreux siècles, tout comme le grec ancien qui continue à être enseigné de

nos jours. Sinon, elle sombrera comme les innombrables argots qui ne sont

plus que jeux de spécialistes (cf l'argot de Villon). Il peut être intéressant de

savoir qu'il y a dans l'argot actuel une vingtaine de mots pour désigner l'anus,

mais le traité des passions de Saint Thomas d'Aquin est autrement formateur!

Jean-Bernard Leroy