La naissance du mouvement corporatiste en Suisse romande

L'implantation et l'acclimatation de l'idée corporative en Suisse romande sont le fait à la fois de milieux conservateurs, proches de Charles Maurras, et du mouvement chrétien social naissant, lui-même issu du mouvement des catholiques sociaux et comme lui tout imprégné de l'enseignement social de l'Église.

L'Action française, le quotidien de Maurras, fait son apparition dans les kiosques de Suisse romande dès sa fondation en 1908. Deux revues se rattachent peu ou prou au mouvement néo-monarchiste français à partir de 1911.

C'est d'abord La Voix clémentine, éditée par Charles-Albert Cingria, qui se détache de La Voile latine, phagocytée par Robert de Traz. Cette éphémère «revue contre-révolutionnaire» prône la suppression des partis politiques et la restauration des corporations et associations libres (industrielles, intellectuelles et confessionnelles) «dans leur autonomie propre et naturelle».

Sous la conduite d'Alexandre Cingria, frère de Charles-Albert, une vingtaine de jeunes gens lancent la même année à Lausanne «le seul journal intégralement conservateur qui paraisse en Suisse», Les Idées de demain, qui se veut aussi l'organe d'un Groupe franco-suisse d'Action française. Le groupe et la revue &endash; qui paraîtra jusqu'en 1914 &endash; militent «pour un syndicalisme moderne basé sur la restauration des anciennes corporations». Celles-ci avaient le mérite, à leurs yeux, de dresser leur fortune impersonnelle en face de la fortune individuelle, patrimoniale: «En supprimant les fortunes collectives et par là même le contrepoids à la fortune individuelle, la Révolution française donnait libre cours au pouvoir absolu de l'argent.» (36)

Au lendemain de la Première Guerre mondiale, le 24 mars 1919, six collégiens de troisième année constituent à Lausanne un petit cercle pour étudier ensemble l'histoire et ses branches annexes, la généalogie et l'héraldique . Un an plus tard, ils découvrent L'Action française. Leur aversion pour les idées de la Révolution française se trouve «justifiée» par l'analyse de ces principes à laquelle se livre Maurras (38) . Puis un statut fondamental en quatre articles confie au chef de cette «Association internationale (sic) monarchiste» la direction générale du mouvement. En juin 1926, une conférence donnée par Léon Daudet à Lausanne met le feu à la presse romande. Victor de Gautard, Alphonse Morel et Marcel Regamey protestent dans la Gazette de Lausanne contre l'affirmation de son rédacteur en chef que «cesser d'être démocrate… c'est cesser d'être suisse». En automne 1926, Regamey signe son premier cahier d'Ordre et Tradition. Telle est l'origine de l'association politique vaudoise du même nom (39). Ordre et Tradition aura pour but, dès 1929, «la rénovation de la Patrie de Vaud par la suppression du gouvernement des partis et par l'établissement d'un régime de libertés régionales, communales et corporatives sous l'arbitrage d'un pouvoir personnel et responsable»(40) . La méthode de l'empirisme organisateur chère à Maurras guidera cet essai de rénovation. Charles de Blonay, membre du mouvement depuis 1925, est le premier gouverneur d'Ordre et Tradition, association qui fera place en 1935 à l'Ordre national, autour duquel graviteront la Ligue vaudoise et le cercle plus large du Mouvement de la Renaissance vaudoise.

Corporatisme d'association: l'œuvre de l'abbé Savoy

Parallèlement au courant maurrassien, qui n'a guère pris corps que dans le canton de Vaud, on voit se développer à partir de Fribourg un puissant mouvement chrétien social sous la férule de l'abbé André Savoy (1885-1940), héritier spirituel de Montenach, grand admirateur de La Tour du Pin, orateur né et infatigable meneur d'hommes.

Ordonné prêtre en 1910, après des études au Collège Saint-Michel, ce Fribourgeois né à Attalens, dans une famille paysanne de douze enfants, est le premier Suisse à être licencié en Écriture sainte de l'Institut biblique de Rome, où l'Université grégorienne lui confère par ailleurs le grade de docteur en théologie. Dès 1913, il milite au sein du mouvement chrétien social de Suisse romande aux côtés de son condisciple l'abbé Auguste Pilloud (1883-1956): il collabore à son journal, L'Action sociale, organe de l'Union romande des travailleurs catholiques (URTC), et fonde en Gruyère des coopératives de consommation et des unions de travailleurs. En juin 1919, au retour d'un congrès international d'ouvriers chrétiens à Paris, il esquisse les grandes lignes de son projet corporatiste dans les colonnes de L'Action sociale (41) . Les patrons, les ouvriers et les techniciens sont appelés à former des conseils professionnels qui, par leur groupement, constituent la chambre professionnelle. Le Parlement professionnel sera la réunion plénière des chambres professionnelles. Dans un premier article spécifiquement consacré à la corporation, il appelle de ses vœux l'avènement d'une «corporation rajeunie» qui constituera «la plus sûre protection du travail contre l'usure, contre la tyrannie de l'argent» (42).

En 1920, l'abbé Savoy veut passer aux actes: il rédige les statuts d'une corporation des plâtriers-peintres du canton de Neuchâtel. Le projet échoue. L'année suivante, lors de la Semaine sociale de Lausanne, il triomphe de Charles Naine dans un débat contradictoire et profite des attaques fielleuses de son adversaire dans le Droit du peuple («Le dedans d'un saint homme») pour rallier à sa cause des patrons et des syndiqués catholiques de l'industrie horlogère jurassienne. La Corporation horlogère des Franches-Montagnes voit le jour le 27 juin 1922 aux Bois. Créée par Emile Kistler sur une base confessionnelle, «c'est la première organisation corporative dans l'Europe du XXe siècle», s'exclame l'animateur du mouvement corporatiste à Genève, le syndicaliste chrétien-social d'origine valaisanne Henri Berra (1894-1958). Elle naît en pleine crise économique, quatre ans après la grève générale de 1918 et quatre ans avant l'instauration officielle du corporatisme d'État en Italie.

Si la caisse d'allocations familiales de la corporation horlogère est alimentée exclusivement par les patrons, les institutions sociales des futures corporations s'établiront toutes sur des bases paritaires, conformément à la doctrine chrétienne-sociale.

Fribourg et Genève, bastions du corporatisme romand

L'action de l'abbé Savoy et de ses disciples porte plus rapidement des fruits dans les cantons de Fribourg et de Genève que dans le reste de la Suisse romande.

En 1926, Henri Berra fonde à Genève une modeste Corporation des travailleurs de la terre. À la fin de l'année suivante, la Cité de Calvin voit apparaître une Corporation chrétienne sociale du bois, bientôt rebaptisée Corporation des travailleurs du bois pour atteindre un milieu plus large. L'Union de défense économique (UDE), sous l'impulsion de son député Julien Lescaze (1898-1961), adopte un programme corporatiste en 1928. Un Groupe patronal interprofessionnel voit le jour cette année-là. Une première association patronale corporative est créée dans l'alimentation en 1929. Membre de l'UDE, Pierre Regard (1898-1985), premier président du groupe des Amis de la Corporation genevois, de confession protestante mais très imprégné de la pensée de l'abbé Savoy, est le père, avec André Chamay, de la Corporation genevoise du textile et de l'habillement (1930). En octobre 1932, dans un minuscule bureau de la Coraterie, il est le premier secrétaire patronal permanent d'une Fédération genevoise des corporations qui a vu le jour le 16 novembre 1931. Nommé secrétaire général, puis chancelier du Consistoire, il aura pour successeur à la direction du mouvement patronal un autre protestant (43), Renaud Barde (1911-2001), secrétaire permanent dès 1936. Deux ans plus tard, le mouvement corporatiste genevois compte 12'000 adhérents et 1'150 patrons, répartis entre 34 associations professionnelles. En 1942, lorsque le Secrétariat patronal passe du numéro 4 de la rue de la Rôtisserie au numéro 2, les associations patronales corporatives groupent plus de 2'000 employeurs organisés en 51 associations professionnelles .(44) La Fédération genevoise des corporations disparaîtra fin 1946 en raison du renforcement des organisations patronales au détriment des syndicats ouvriers; sa composante patronale continuera son activité sous le nom de Fédération des syndicats patronaux, rebaptisée l'an dernier Fédération des entreprises romandes &endash; Genève.

L'autre pôle du mouvement corporatiste en Suisse romande, Fribourg, abrite la Fédération romande des corporations dès sa création en juin 1928. Celle-ci groupera une éphémère Corporation des arts graphiques (CAG), la Corporation horlogère des Franches-Montagnes (CHFM), déjà mentionnée, la Corporation de l'industrie du bâtiment (CIB), celle des commerçants de Suisse romande (CCSR) et la Corporation paysanne des Franches-Montagnes (CPFM). Ces organisations recruteront leurs membres dans les cantons de Berne, Neuchâtel, Valais, Vaud et Fribourg. La plus importante de toutes, la CIB, comptait 53 patrons et 700 ouvriers en 1929; elle en aura respectivement 155 et 1'544 six ans plus tard (45) .

À l'Université de Fribourg, dans les années 30, le professeur Jakob Lorenz (1883-1946) se fera l'avocat d'un corporatisme autoritaire. Cet ancien collaborateur du dirigeant syndicaliste Hermann Greulich prônera une organisation professionnelle «évolutionniste, organique» et néanmoins «démocratique» (46).

Les Amis de la Corporation

Peu après le décès en terre vaudoise du théoricien français du néo-corporatisme, une association supra-confessionnelle des Amis de la Corporation est créée sur l'initiative de l'abbé Savoy. Des groupes se forment à Fribourg, Lausanne, Genève, La Chaux-de-Fonds et en Valais.

L'Union romande des corporations chrétiennes-sociales se substitue en 1927 à l'Union romande des travailleurs catholiques et deviendra en 1933 l'Union romande des corporations. En mai 1927, une réunion de personnalités suisses favorables à la corporation et présidée par le conseiller national fribourgeois Ernest Perrier (47) décide le lancement de Cahiers de la corporation. Dans le premier numéro, paru en novembre, Perrier prône une «méthode suisse» pour réaliser l'organisation corporative par opposition à la méthode fasciste, fondée sur «un certain étatisme contradictoire à l'idée corporative même: dispositions consacrant l'immixtion profonde de l'État dans la composition, la direction et l'activité des syndicats, le monopole accordé à un seul syndicat dans l'organisation du travail, le peu de considération pratique accordé au syndicat mixte au sein duquel patrons et ouvriers se rencontrent librement.» La méthode suisse, elle, est celle des petits pas: «L'idée corporative doit imprégner progressivement la législation. Ce n'est pas l'organe qui créera la fonction, mais la fonction qui créera l'organe». Et surtout, «l'État doit laisser à la corporation sa vie propre et se contenter d'interventions exceptionnelles pour arbitrer les difficultés».

Collabore aussi à ce premier numéro le conseiller national libéral neuchâtelois Arnold Bolle qui, en décembre 1923, avait déposé un audacieux postulat demandant des mesures «en vue d'encourager les professions à s'organiser pour la protection de leurs intérêts économiques, et en vue de leur faciliter la création, sur le terrain professionnel, en dehors de l'État mais avec son appui, des œuvres de prévoyance sociale dont elles ont besoin»(48) . Ce juriste, ami d'André Savoy, souhaite que les professions s'organisent corporativement selon leurs besoins, en formant une communauté professionnelle régie par un statut professionnel, soumis à l'approbation de l'autorité. Ce statut prévoira la création d'une chambre professionnelle pour toute la profession, sans exclure, au degré inférieur, des chambres régionales, cantonales ou locales.

Dès 1929, André Savoy bataille ferme pour opposer un contre-projet d'assurance-vieillesse et survivants à la solution proposée par Schulthess.

L'abbé est aussi homme de terrain. Lorsque, en 1930, un conflit salarial secoue la Parqueterie d'Aigle et débouche sur une grève, il court-circuite le secrétaire syndical Clovis Pignat en fondant une Association ouvrière de la corporation du bâtiment qui passe dare-dare une convention avec la direction. Les grévistes, minoritaires, n'ont plus qu'à accepter les conditions fixées dans la convention…

En 1933, l'abbé Savoy porte sur les fonts baptismaux l'Union corporative suisse (UCS), qui fédère les différents groupes des Amis de la Corporation. Il en anime le secrétariat, à Fribourg, alors que Julien Lescaze, à Genève, en est le président. Le but de l'UCS est «l'étude de l'ordre social chrétien» et la réalisation en Suisse d'un ordre social corporatif assurant une «organisation rationnelle de l'économie nationale». L'UCS, qui édite une nouvelle série de Cahiers de la corporation, préconise «le syndicat libre dans la profession organisée», selon la formule d'Albert de Mun; mais André Savoy parle désormais plus volontiers de «syndicat libre dans la profession autonome et légalement reconnue».

La Commission de doctrine de l'UCS s'efforce de définir le rôle du capital, discute des relations de l'économie avec l'État, planche sur la propriété intellectuelle. Lescaze et Berra y côtoient Marcel Regamey et le Valaisan Oskar de Chastonay. Le chef de la Ligue vaudoise, décidément très présent sur le front économique, se verra même nommé par Lescaze responsable de ladite commission en 1943. «Nous sommes l'objet d'attaques parce que notre doctrine est incomplète. Il est indispensable de la préciser surtout du point de vue économique», plaidera Regamey.

Sur l'initiative de l'abbé Savoy, une presse syndicale et patronale voit le jour à Genève en 1933: La Liberté syndicale, organe des syndicats chrétiens et des organisations ouvrières de la Fédération genevoise des corporations, est fondée par Henri Berra, avec le concours du caricaturiste Noël Fontanet, cependant que L'Ordre professionnel, ancêtre d'Entreprise romande, a pour rédacteur responsable Pierre Regard, à qui succédera Renaud Barde. L'Action sociale reparaît à Fribourg après une interruption de plusieurs années, redevenant l'organe unique des corporations fribourgeoises, cependant que les Neuchâtelois publient leur propre Journal des corporations.

Quatre ouvrages de doctrine regroupés sous le titre de «Bibliothèque corporative», publiés chez Attinger, sont diffusés par l'UCS entre 1934 et 1935 .(49)

Cette intense activité éditoriale n'empêche pas une grave crise de se produire en 1935. Des directives de Mgr Besson stipulent que «l'action catholique ne peut pas faire de la politique de parti». L'échec du projet de révision totale de la Constitution fédérale (cf. infra) donne raison à l'évêque de Fribourg. Quant aux protestants, très nombreux au sein des nouvelles organisations corporatives, ils souhaitent que celles-ci marquent leur indépendance vis-à-vis de la hiérarchie catholique. L'Union romande des organisations chrétiennes-sociales, qui relève directement de la hiérarchie catholique, tient donc un congrès distinct de celui de l'Union romande des corporations. Celle-ci restera la section romande de l'UCS sous le nouveau nom, à partir d'avril 1936, de Fédération romande des corporations (FRC). Créée sur l'initiative des Genevois, la FRC est présidée par le Vaudois Raymond Devrient, avec un comité comprenant Henri Berra, Julien Lescaze, mais aussi l'abbé Savoy. Genève devient le pôle de la «corporation politique-sociale» et Fribourg celui de la corporation chrétienne-sociale.

Une crise financière affecte bientôt les mouvements corporatifs fribourgeois et jurassien, aggravant les divisions du mouvement corporatiste romand. Très affecté, et lui-même fortement endetté, le directeur de l'Union romande et membre du comité de la FRC est «exilé» par l'autorité ecclésiastique, en novembre 1936, à l'Hospice du Simplon. Il y meurt d'une crise cardiaque en 1940, laissant un manuscrit en forme de testament spirituel qui sera publié au milieu des années 50 avec le concours d'Henri Berra, devenu directeur d'imprimerie en Valais . (50)

Réforme de l'État et législations corporatives cantonales

La volonté d'organiser l'économie suisse sur des bases nouvelles s'est traduite, dès 1930, par de nombreux postulats et motions au Parlement.

Plusieurs d'entre eux suggèrent une révision partielle de la Constitution pour restreindre la liberté du commerce et de l'industrie.

Le postulat Berthoud (1931), par exemple, demande d'examiner la possibilité de donner le droit aux associations professionnelles de décider des mesures qui puissent devenir obligatoires pour l'ensemble de la profession, à condition qu'elles soient conformes à la loi et approuvées par l'autorité.

En 1933, le parti radical saint-gallois adopte des lignes directrices qui aboutissent l'année suivante à un projet de loi fédérale sur les associations professionnelles et la création d'un éventuel Conseil économique national, projet qui sera remanié par le conseiller national Schirmer, président de l'Union suisse des arts et métiers.

Les corporatistes romands soutiennent l'initiative déposée en 1934 pour une révision totale de la Constitution fédérale. La réforme de l'État, selon la formule du Genevois René Gampert, doit être guidée par une «saine hostilité à l'égard du parlement». Cette tentative de «discipliner et organiser l'économie nationale» par l'instauration d'un État autoritaire se solde, en 1935, par un cuisant échec.

La dernière tentative d'instaurer un ordre corporatiste en Suisse échouera avec l'initiative Stalder, du nom de l'un de ses auteurs, le Bernois Friedrich Stalder. Lancée en 1941 avec le soutien notamment de la Ligue vaudoise, de Gonzague de Reynold et du conseiller d'État valaisan Oscar de Chastonay, mais contre l'avis de Berra, cette initiative demandait le renforcement du pouvoir du Conseil fédéral, l'instauration d'une Diète qui aurait représenté les cantons, ainsi que le remplacement du Conseil national par une Chambre des métiers en charge des questions économiques et sociales et représentant, sur le terrain fédéral, les professions organisées paritairement. Un cinquième seulement des signatures requises sera réuni.

Sur le plan cantonal, les efforts déployés pour l'instauration d'un ordre corporatiste se sont eux aussi soldés par des échecs. Fribourg sera, en 1934, le premier canton à voter une loi d'inspiration nettement corporatiste, mais &endash; dans l'attente de la révision de la Constitution fédérale &endash; cette «loi Piller» (51) ne sera jamais promulguée. D'autres tentatives seront faites dans les cantons du Valais, de Soleure, de Lucerne, de Zurich et de Saint-Gall. Toutes échoueront.

Dans le canton de Vaud, Benjamin Méan, futur juge cantonal, développe au Grand Conseil, en janvier 1935, une motion demandant au Conseil d'État de «présenter un projet de loi conférant sous certaines conditions, le caractère de droit public aux groupements de métiers paritaires, ayant pour but la collaboration des classes en vue de la paix sociale et du bien commun». Le député Masnata reprend cette motion et la développe à la demande des milieux corporatifs (1940), puis dépose lui-même un projet de loi (1942). Le conseiller d'État Antoine Vodoz lui oppose un contre-projet, qui est approuvé et devient la loi du 12 décembre 1944 sur l'organisation professionnelle.

L'article 8 dispose que «des décisions prises ou des conventions conclues par les groupements professionnels reconnus concernant leur branche d'activité peuvent être déclarées obligatoires par le Conseil d'État pour quiconque exerce cette activité, dans le cadre des dispositions légales en la matière». Le Conseil d'État «constatera préalablement que ces décisions ou conventions ne sont pas contraires à l'intérêt général et ne lèsent pas les intérêts légitimes d'autres groupements».

Cette loi est promulguée et l'arrêté d'application du 11 mai 1945 précise que «le groupement désigné en vue d'une collaboration ou pour l'exécution d'un mandat s'oblige, par écrit, à s'inspirer de l'intérêt général, à mettre en œuvre des moyens suffisants et à gérer en bon père de famille (sic) les affaires qui lui sont confiées».

Quoique toujours en vigueur, la «loi Vodoz» de 1944 ne sera invoquée qu'à quelques reprises et sans grand succès : (52)- les ramoneurs y ont puisé le droit de fixer leurs circonscriptions; l'arrêté qui les y habilitait fut cassé par le Tribunal fédéral; - en 1951, la décision interdisant de rechercher des commandes auprès des particuliers pour les monuments funéraires, entraîna un nouveau recours auprès de la Cour suprême; - en revanche, en 1955, la convention portant sur la perception de la taxe en faveur de la formation professionnelle a été déclarée obligatoire en vertu d'un décret d'exécution, dans les métiers du bâtiment, ainsi que l'assurance-maladie en faveur du personnel.

Il y aura encore, en 1960, une sombre affaire de soldes chez les marchands de radio-TV, puis, en mai 1982, l'interdiction d'ouvrir les commerces le dimanche et les jours fériés demandée et obtenue par l'Association vaudoise de l'ameublement et l'Association vaudoise des tapissiers-décorateurs.

Dans une pétition déposée en mai 1971, Albert Masnata tentera de faire sortir des oubliettes une loi qui n'est pas tout à fait la sienne, mais qu'il cautionne dans sa version édulcorée: «Cette loi, relève-t-il, a été voulue comme le fondement de l'organisation sociale et économique vaudoise. On peut donc l'utiliser comme le point de départ d'une nouvelle action, respectueuse de l'autonomie de l'économie et de ses institutions garantie par la Constitution fédérale. En ce faisant, on peut employer des méthodes conduisant à des solutions, par la négociation et la collaboration entre groupes économiques et sociaux.» Un silence poli répondra à ce pieux rappel.

Cette parenthèse législative refermée, il nous reste à examiner le développement des idées corporatives en terre vaudoise jusqu'à la création des GPV.

Le mouvement corporatiste en terre vaudoise

En novembre 1927, quatre ans après son premier postulat, Arnold Bolle relance le débat aux Chambres avec une motion proposant une loi fédérale sur les syndicats et les associations professionnelles, d'inspiration corporatiste. Dans la Revue radicale de Lausanne, Pierre Rochat (1899-1944) y consacre un article bienveillant, prélude à un long engagement corporatiste .(53)

Un premier Groupe lausannois des Amis de la Corporation voit le jour à l'issue de deux séances constitutives tenues le 17 décembre 1927 et le 3 mars 1928 à la Cloche, sous la présidence de l'avocat radical Eugène Hirzel (1898-1972) et avec Pierre Rochat comme secrétaire. Une douzaine de membres en font partie, dont le président de la Société industrielle et commerciale de Lausanne et un représentant de la Société suisse des commerçants. On y rencontre bientôt une autre figure de proue du radicalisme vaudois et de la société d'étudiants Helvétia, Rodolphe Rubattel (1896-1961), futur conseiller fédéral. Regamey et Morel, étudiants en droit, sont chargés de rédiger une déclaration de principe. Les statuts de l'association indiquent que celle-ci a pour but «l'étude et l'application des doctrines corporatives» et qu'«elle ne prend pas position dans les problèmes concernant la forme du gouvernement et le régime politique». En septembre 1928, Pierre Rochat assume la présidence de l'association et Marcel Regamey le secrétariat.

Regamey (1905-1982) avait tout juste vingt et un ans lorsque, dans le premier cahier d'Ordre et Tradition, il avait rompu une première lance en faveur d'un ordre corporatif: «L'État doit avoir devant lui une représentation organique des intérêts privés afin de les connaître et de les ordonner au bien commun. Cette représentation nationale doit comprendre, d'une part les délégués des familles et des communes, d'autre part les mandataires des corporations professionnelles et des corps intellectuels.» (54)

Le premier Groupe lausannois des Amis de la Corporation éclate fin 1928. Certains de ses membres soutiennent le projet de loi Schulthess sur les assurances sociales alors que d'autres le combattent et vont se rallier au contre-projet Savoy, qui oppose aux assurances de l'État les assurances professionnelles et refuse de mêler les notions d'assistance et d'assurance. Le projet de loi sera rejeté en 1931 à une forte majorité.

C'est la création de l'Union corporative suisse qui ranime la flamme en terre vaudoise. Une Section Lausanne &endash; Vaud des Amis de la Corporation se reconstitue le 3 juillet 1933 sur l'initiative de Raymond Devrient (1904-1987) et d'Albert Masnata (1900-1983), avec à sa présidence le radical Arthur Freymond (1879-1970), directeur de l'Assurance Mutuelle Vaudoise, ancien syndic de Lausanne, ancien président central de Belles-Lettres, député et futur cofondateur des Groupements patronaux, dont il quittera le Bureau en 1951 pour laisser la place à Louis Guisan.

La nouvelle association a pour but de «travailler à la réalisation en Suisse et notamment dans le canton de Vaud d'un ordre social corporatif et d'institutions corporatives par la collaboration de l'employeur et de l'employé, dans les cadres professionnels, dans un esprit de paix sociale et en vue d'une organisation rationnelle de l'économie nationale».

Les deux figures de proue du mouvement corporatiste vaudois des années 30 ont passé leur jeunesse en Russie. Masnata voit le jour à Odessa, où son père est banquier, alors que Devrient naît quatre ans plus tard à Saint-Pétersbourg, dans une famille qui est dans l'édition. Coïncidence étonnante, les deux adolescents rentrent en Suisse en 1918 dans le même train de rapatriement. L'un et l'autre seront Zofingiens, mais à cinq ans de distance.

Masnata mène de front des études de sciences économiques et de sciences sociales, couronnées par un double doctorat, et une activité au Bureau industriel suisse, où il entre comme secrétaire en 1920. Dès la création de l'Office suisse d'expansion commerciale, il en dirige le siège lausannois (1927-1966). En sa qualité de directeur de l'OSEC, il sera membre fondateur de l'Association suisse de publicité, membre fondateur et premier président de la Fédération romande de publicité, président fondateur de l'Association suisse des producteurs de films, président de la Chambre suisse du cinéma, et président de diverses commissions de l'Expo de 1964 après avoir collaboré activement à la «Landi» de Zurich en 1939. Il sera député libéral au Grand Conseil vaudois de 1937 à 1941 et enseignera la politique économique à l'Université de 1936 à 1966.

La carrière de Devrient n'est pas moins brillante. Juriste de formation, il soutient en 1931 une thèse sur L'organisation syndicale et corporative en Italie (55) . Secrétaire du Vorort de l'Union suisse du commerce et de l'industrie de 1927 à 1930, il entre à Publicitas, où il est directeur général de 1938 à 1943. Il fait ensuite carrière à La Suisse Assurances, dont il deviendra l'administrateur-délégué et le président. En 1958, l'Université de Lausanne lui remettra le doctorat honoris causa «pour reconnaître le mérite exemplaire d'une carrière consacrée au développement économique du pays et au progrès de ses institutions de prévoyance».

Pour Raymond Devrient, cheville ouvrière de l'association vaudoise des Amis de la Corporation, premier président du Conseil corporatif vaudois des métiers et président de la Fédération romande des corporations jusqu'en 1943, «la corporation est une institution qui réalise, dans le cadre de la profession commune, la collaboration entre patrons, employés et ouvriers, en vue de sauvegarder les intérêts moraux et sociaux de tous ceux qui appartiennent à un même corps professionnel» . Une dizaine d'années plus tard, on retrouvera cette définition dans une brochure de la Fédération vaudoise des corporations, avec un but élargi puisque la sauvegarde des intérêts s'étend désormais au champ économique: «La corporation est une institution qui réalise, dans le cadre de la profession commune, la collaboration entre tous ceux qui appartiennent à un même corps professionnel, en vue de sauvegarder les intérêts moraux, sociaux et économiques de ce corps.» (57)

Albert Masnata, lui, est favorable à une «réorganisation économique» sur le plan national fondée sur des principes chrétiens. Il s'intéresse au planisme mis en œuvre par l'Américain Hoover et s'inscrit à ce titre dans ce qu'il est convenu d'appeler l'évolution du capitalisme organisé, soucieux d'une plus grande efficience . (58) À l'opposé des thèses anti-libérales et autoritaires de Jakob Lorenz, Masnata défend la méthode expérimentale dans des cadres restreints; c'est elle, estime-t-il, qui donnera les meilleures garanties pour une tendance anti-étatiste. Selon le patron de l'OSEC, «l'industrie suisse et, plus spécialement, celle de l'exportation a un intérêt primordial à voir se constituer sur une base sociale, des groupements professionnels qui pourront exercer des fonctions que l'État ne tarderait pas à s'attribuer si elles ne sont pas remplies dans un esprit d'intérêt général par des corporations représentatives de l'ensemble d'une profession» (59).

La Section Lausanne-Vaud des Amis de la Corporation organise rapidement des rencontres patrons-ouvriers. En 1936, elle compte «une centaine de membres effectifs et un bon nombre de sympathisants». Huit ans plus tard, elle comptera «entre 150 et 200 membres» et sera présidée par André Martin, après l'avoir été par Freymond et Masnata.

Dès sa création, elle a reçu le renfort de la Ligue vaudoise que vient de fonder Marcel Regamey dans le prolongement du groupe Ordre et Tradition.

Dans «Esquisse d'un régime d'intérêt national», étude d'Ordre et Tradition qui paraît début 1929, l'année où il soutient sa thèse de droit, Marcel Regamey opère la distinction entre les intérêts locaux, assurés par la commune, cet «ensemble de foyers», et les intérêts professionnels, assurés par la corporation. «La corporation protège et développe les intérêts de la profession, veille aux qualités professionnelles de ses membres, détermine les conditions du travail, gère le patrimoine corporatif et organise les assurances professionnelles. La corporation n'a pas en elle-même un pouvoir de contrainte qui n'appartient qu'à l'État souverain. Elle ne jouit en principe d'aucun monopole et ne peut obliger personne à entrer ou demeurer dans son sein. Ses décisions n'obligent que ses membres. Seul l'État a le droit d'étendre à tous les membres de la profession les règlements et décisions de la corporation.» (60)

La commune, qui unit les consommateurs, est «un élément essentiel du système corporatif». Elle peut intervenir à ce titre auprès du pouvoir fédérateur et arbitral, l'État souverain, qui siège au-dessus des communes et des corporations.

Le jeune Marcel Regamey ne fait pas dans la dentelle. À côté d'une chambre des communes, il préconise la constitution de quatre chambres corporatives cantonales: l'une pour l'agriculture et le vignoble, la deuxième pour les artisans et le commerce, la troisième pour l'industrie, la quatrième pour les professions libérales. «Les quatre chambres réunies forment les États de Vaud»(61). Un tribunal indépendant du pouvoir politique complète l'édifice. Le gouvernement ne doit être élu ni par les individus, ni par les communes, ni par les corporations; le système de l'élection est incapable de protéger les libertés privées. Dans le programme de Marcel Regamey, «le Pouvoir souverain sera détenu par un seul magistrat, le gouverneur, arbitre suprême et responsable de l'intérêt national»(62) .

Rien n'est laissé au hasard: «Les intérêts professionnels doivent être accordés dans le canton», mais «une chambre corporative fédérale serait néanmoins utile, notamment pour assurer la représentation des corporations qui chevauchent sur plusieurs cantons. […] Cette assemblée économique ne peut avoir qu'un pouvoir consultatif et demeure une représentation d'intérêts privés devant les cantons souverains et non point devant la Confédération.» (63)

À ceux qui disent «corporations avant fédéralisme», Marcel Regamey rétorque que le principe du fédéralisme, dernier rempart de la Patria Vaudi, doit au contraire l'emporter sur le corporatisme: «La corporation, lorsqu'elle n'est plus subordonnée à un intérêt supérieur, à un bien moral, l'intérêt national, est une institution désaxée dont la force désormais sans frein peut aisément dégénérer en tyrannie économique.» (64). L'idée du fédéralisme différencié ou de deux fédéralismes, l'un intégral et l'autre à géométrie variable, laissant plus de place aux compromis centralisateurs, est esquissée dans ce même cahier.

Une Fédération des corporations en quête d'organisations patronales

Les Amis de la Corporation et la Ligue vaudoise ne comptent pas beaucoup d'ouvriers dans leurs rangs. Il faut attendre 1935, dans le canton de Vaud, pour assister à la création des Organisations ouvrières de la Fédération vaudoise des corporations (OOFVC). Leur pendant patronal est encore plus lent à se constituer, puisque le premier noyau des Groupements patronaux (GPFVC) voit le jour en 1940.

Un tableau de l'effectif des organisations ouvrières illustre bien le décalage existant entre Vaud et les autres cantons romands. En cette année 1935, Genève aligne déjà 5'000 membres, le Valais 2'000, Fribourg plus de 1'500 et Neuchâtel 300, alors que Vaud n'en compte que 50, à peine plus que les 20 membres enregistrés dans le Jura bernois. Deux ans plus tard, on compte notamment 6'000 membres à Genève et 3'000 en Valais, mais seulement 530 en terre vaudoise. Fin 1945, les Organisations ouvrières et paysannes de la FVC compteront 3'600 membres, dont 345 agriculteurs.

Il y a plusieurs raisons à ce décalage.

a) Il tient d'abord à la diffusion rapide des thèses corporatistes à travers un mouvement chrétien-social beaucoup mieux implanté en terres genevoises et fribourgeoises que dans le canton de Vaud. L'Abbé Savoy suscite à Genève la création de La Liberté syndicale et de L'Ordre professionnel, qui renforcent l'impact de L'Action sociale imprimée à Fribourg depuis 1913 et des articles paraissant dans Le Courrier. Les néo-corporatistes vaudois n'ont pas de journal et ne peuvent s'exprimer qu'au coup par coup dans la Gazette de Lausanne ou la Revue.

b) Ce décalage tient sans doute aussi à la présence de fortes personnalités à Genève, comme Julien Lescaze, Pierre Regard et Renaud Barde, le Valaisan Henri Berra et le Vaudois André Leyvraz(65) , rédacteur en chef du Courrier dès 1923.

c) On peut enfin se demander s'il n'y a pas aussi une raison historique expliquant ce décalage, à savoir l'absence de corporations à Lausanne et &endash; on l'a vu &endash; sur l'ensemble du territoire cantonal vaudois, Vevey excepté, dans la seconde partie du XVIIIe siècle.

Près de cinq ans s'écoulent donc entre la constitution des Organisations ouvrières de la Fédération vaudoise des corporations (OOFVC), en décembre 1935, et celle des Organisations patronales de la FVC, les Groupements patronaux, en octobre 1940, ce qui permet à André Mayor d'affirmer que «la FVC ne méritait son nom que par anticipation» (66).

Il y a certes un Conseil des métiers vaudois qui tient séance pour la première fois en novembre 1938, au numéro un de la rue de la Grotte, sous la présidence de Raymond Devrient. Il réunit notamment, du côté des Organisations ouvrières, le secrétaire Roger Edgar Ayer, le président Pierre Dupérier, membre de l'état-major Socal, à Lausanne, et le trésorier Philippe-Edouard Cavin, ainsi que, du côté patronal, Raymond Burnat (1901-1978), alors secrétaire patronal des corporations à Genève(67) , et Pierre Rapin, secrétaire patronal des corporations pour le canton de Vaud, collaborateur de la Fiduciaire Gruaz, bientôt remplacé pour cause de «Mob» par Charles Heubi. Les patrons corporatistes sont au nombre de cinquante. Leur secrétaire à temps partiel ne dirige toutefois qu'un embryon de secrétariat patronal et, en avril 1940, Dupérier confesse que le Conseil des métiers «ne brasse toujours que de l'air».

Les GPV créés sur l'initiative des papetiers

C'est l'arrivée du Groupement des papetiers, sur l'initiative de Charles Viredaz, qui donne naissance aux Groupements patronaux. Pour les accueillir, Raymond Burnat se hâte de rédiger des statuts, qui sont adoptés le 16 octobre 1940. Ces Groupements patronaux de la Fédération vaudoise des corporations adhèrent aux «Principes de l'Union corporative suisse». Ils ont pour but «la défense des intérêts communs aux chefs d'entreprises sur la base d'un ordre social corporatif; la création de toute institution et de tout organe utile aux chefs d'entreprises; de favoriser la création de groupements professionnels patronaux corporatifs dans toutes les professions qui ne sont pas organisées corporativement, notamment en vue d'assainir et d'organiser l'économie; de promouvoir au sein des milieux patronaux l'idée d'un ordre social corporatif et de la réaliser dans le canton de Vaud», avec la précision que «cet ordre social corporatif doit être fondé sur le principe d'une collaboration entre les employeurs et les employés, en vue de la sauvegarde des intérêts supérieurs de la profession». Il s'agit enfin «de créer et d'entretenir des institutions sociales corporatives au sein de la FVC.

Le secrétaire Charles Heubi quitte le secrétariat patronal en novembre 1941. Raymond Burnat, qui le remplace en décembre, transfère le secrétariat de la Grotte 1 au Grand-Chêne 8.

Il y demeurera jusqu'en 1947, date de l'achat du No 2 de l'avenue Agassiz et de la création de l'association du Secrétariat patronal. Du même coup, le terme corporation disparaît!

La Fédération vaudoise des corporations subit une grave crise interne en 1941.(68) . À la suite du départ de Dupérier et de Trachsel, tenants du courant clérical appuyé par l'évêché, des groupuscules quittent les Organisations ouvrières pour créer un Cartel vaudois des organisations chrétiennes-sociales et corporatives (1942), bientôt flanqué d'un Secrétariat vaudois de la Fédération des Corporations, domicilié au Petit-Chêne 11 (1943).

Avec l'intervention d'agents de la Fédération suisse des syndicats chrétiens, qui cherchent à créer une direction centralisée du mouvement ouvrier, le caractère cantonal des secrétariats ouvriers corporatistes sera battu en brèche. Cette évolution coïncide d'ailleurs avec la politique menée par Renaud Barde, «qui tend à apparaître comme le porte-parole romand des corporatistes sur le plan cantonal» . (69)

C'est lors de l'assemblée des délégués des Groupements patronaux, en avril 1946, que le sort de la Fédération vaudoise des corporations est formellement remis en question. Le président de la Société vaudoise des horlogers-bijoutiers-orfèvres, qui se dit lui-même fervent corporatiste, constate que «les fâcheuses expériences faites dans certains pays avec des corporations étatisées, ont leur répercussion chez nous» et que «nos organisations corporatives ont une teinte politique qui est assez peu portée aujourd'hui». Burnat rappelle que la corporation, au sens large, est le métier organisé. Le président Viredaz demande néanmoins aux secrétaires patronaux de procéder à une consultation auprès des présidents des groupements pour connaître leur avis.

Un mois plus tard, Viredaz constate qu'il n'est plus possible de subvenir aux besoins des Organisations ouvrières. Regamey demande le renvoi de son secrétaire, Marc Chantre. Maintenues sous perfusion pendant neuf mois, les Organisations ouvrières sont à l'agonie. Le Conseil des métiers cesse de siéger et, en 1947, la Fédération vaudoise des corporations, alors présidée par Jacques Secretan, est dissoute (cf. chapitre II).

Philippe Hubler (1911-1988), successeur de Raymond Burnat à la direction des Groupements patronaux dès 1978, a bien décrit comment, au fur et à mesure du renforcement des organisations patronales, les organisations ouvrières se sont montrées pour ce qu'elles étaient réellement, «un syndicat minoritaire et même souvent très fortement minoritaire» . Dès lors, pour de nombreuses organisations patronales, l'interlocuteur valable se trouvait ailleurs, d'où un changement de stratégie des GPV.

Fin du corporatisme d'association: les causes d'un échec

Plusieurs raisons expliquent l'échec du corporatisme d'association stricto sensu à l'issue de la Seconde Guerre mondiale.

Il faut d'abord rappeler la très mauvaise réputation du corporatisme d'État mussolinien et de celui de Vichy, puis leur fin abrupte, en 1943 et 1944. Or, de 1937 à 1941, le corporatisme romand a été de plus en plus lié au corporatisme français et maints mouvements frontistes ou favorables à l'Ordre nouveau relayaient en Suisse la propagande d'État mussolinienne. Il ne pouvait dès lors que pâtir des mêmes vicissitudes.

Dans sa thèse de 1931 , Raymond Devrient mettait bien en évidence l'importance et la complexité extrême des tâches confiées à l'État dans le régime corporatif mussolinien. L'État, aux termes de la Charte du travail de 1927, devenait le grand ordonnateur des activités économiques qu'il était censé avoir disciplinées. L'auteur concluait en montrant que, si l'État n'est pas en mesure de remplir ces tâches, «toute la réforme corporative risque de sombrer dans un bureaucratisme tracassier qui, loin de développer la vie économique, constituera pour elle une entrave désastreuse». Avertissement prémonitoire! Ces corporations, réduites au rôle de courroies de transmission du parti unique, disparaissent en même temps que le régime qui les a engendrées.

La Charte du travail promulguée par Vichy en 1941 était, selon un manuel français de droit du travail qui fait autorité , «un essai d'acclimater en France des institutions empruntées à l'Allemagne et à l'Italie». Elle avait néanmoins une spécificité française et n'était pas un pur décalque de législations étrangères, comme le montre Jean-Pierre Le Crom dans son étude sur le corporatisme à Vichy . L'échec de cette brève expérience sera dû à des raisons politiques et, en particulier, à la nature autoritaire du régime: «Pour pouvoir fonctionner efficacement, le droit des relations collectives de travail suppose un équilibre relatif entre les forces sociales et un consensus minimum sur ses principales caractéristiques, faute de quoi il se condamne à n'être qu'une coquille vide», note Le Crom. Or à Vichy, il n'y a eu ni équilibre ni consensus. Le syndicalisme ouvrier a été exclu des comités d'organisation, alors que le patronat y bénéficiait de pouvoirs importants. Le soutien à la Charte a surtout été le fait de «fonctionnaires» syndicaux et de notables soucieux de sauver les meubles. Au bout du compte, estime Le Crom, «l'histoire de la Charte du travail est d'abord celle d'une modernisation ratée par excès d'autoritarisme. Elevée au rang de symbole de la Révolution nationale, elle ne pouvait évidemment survivre à sa disparition.» Si le noyau dur de la Charte &endash; les syndicats uniques et obligatoires, les comités sociaux-professionnels &endash; disparaît en juillet 1944, certains de ses principes fondateurs lui survivront. La notion de salaire minimum, les grilles de classification, le rôle spécifique de l'encadrement reconnu par la création d'un deuxième, puis d'un troisième collège lors des élections professionnelles, tout cela avait déjà connu un début d'application sous Vichy.

Il y a aussi plusieurs facteurs endogènes qui expliquent l'échec du corporatisme d'association en Suisse.

a) On mentionnera tout d'abord la retraite forcée de l'abbé Savoy, ainsi que les rivalités de personnes qui ont provoqué sa mise à l'écart. Du jour au lendemain, le mouvement corporatiste s'est retrouvé décapité et chacun a commencé à accuser l'autre de trahir la pensée du père fondateur.

b) Le corporatisme d'association a aussi échoué parce que les principes de l'organisation professionnelle corporative sans distinction de confession ont été battus en brèche par le «confessionnalisme» pratiqué par les syndicalistes chrétien-sociaux. Le fait est que les syndicats chrétiens ont succombé à la tentation de concurrencer l'Union syndicale suisse sur son propre terrain, encourant du même coup le reproche de la part de celle-ci de diviser le mouvement ouvrier.

c) Le Conseil des métiers, organe faîtier de l'édifice corporatiste, n'a jamais vraiment bien fonctionné. À Genève, selon les propres termes de Berra, «les délégués ouvriers se sentent surveillés par les patrons et n'osent pas parler librement aux réunions, ni même y venir» . À Lausanne, le dernier secrétaire général des organisations ouvrières revendique bien haut le maximum d'autonomie pour son mouvement, mais il est lui-même issu de la classe dirigeante genevoise, journaliste-écrivain de formation et ancien officier instructeur, cependant que son président, lui aussi journaliste de formation, accédera à la direction de la succursale lausannoise de Publicitas avant de devenir gouverneur du district rotarien de Suisse occidentale, animateur de théâtre et fondateur de l'Association des Amis de Robert Brasillach. Leur légitimité à s'exprimer au nom des «cols bleus» n'était pas évidente aux yeux de tous.

d) Il y a enfin et surtout la volonté d'émancipation des organisations patronales, qui se manifeste tant à Genève sous le règne de Renaud Barde qu'à Lausanne sous celui de Burnat. Cette volonté se manifeste à un moment où la situation s'éclaircit sur le front économique et où la menace d'affrontements entre partenaires sociaux diminue.

Où l'esprit du corporatisme a fini par s'imposer

Les maigres réalisations dont on crédite le mouvement corporatiste au plan suisse ne parlent pas, de prime abord, en sa faveur. Pourtant, si l'on y regarde de plus près, le mouvement corporatiste a incontestablement favorisé l'expansion des institutions sociales paritaires. Les caisses de compensation pour les allocations familiales s'inscrivent, bien sûr, dans ce courant (cf. chapitre V).

La Paix du travail que signent en 1937 les partenaires sociaux de la métallurgie et de l'horlogerie, avec la renonciation à la grève qu'elle implique, peut être considérée aujourd'hui comme un effet indirect des initiatives du mouvement corporatiste. C'est à tort que les organisations corporatives s'y sont opposées, initialement: Renaud Barde estimait qu'elles y avaient perdu une part de leur prestige. Raymond Burnat avait relevé pour sa part que cette convention de Paix du travail était «une très bonne chose», mais qu'elle constituait «une première étape» et qu'elle devait être «remplacée par des conventions comprenant les salaires» .

En 1941, le Conseil fédéral a décrété la force obligatoire des contrats collectifs de travail pour l'ensemble d'une profession «lorsqu'une majorité des ouvriers et des employeurs le demandent». Cette pratique, ancrée dans l'arrêté du 1er octobre 1941, puis dans celui du 23 juin 1943, entré en vigueur début 1944, deviendra constitutionnelle en 1947 avec le nouvel article 34ter de la Constitution qui précise «en vue de favoriser la paix du travail». Les syndiqués socialistes s'y étaient d'abord opposés, estimant que la force obligatoire des contrats collectifs n'était qu'une forme détournée de législation corporative.

Où le corporatisme au sens large a aussi marqué des points, c'est en matière de consultation. Le premier projet de modification constitutionnelle finit par déboucher, en 1947, sur l'adjonction d'un article 32, al. 3, qui dispose que «les groupements économiques intéressés seront consultés lors de l'élaboration des lois d'exécution et pourront être appelés à coopérer à l'application des prescriptions d'exécution». C'est l'institutionnalisation de la consultation régulièrement pratiquée depuis 1919-1920, époque à laquelle le terme de «Anhörung» a pris le pas sur celui de «Mitwirkung», à la fois pour distinguer élaboration et mise en œuvre de la loi, et pour qualifier les rapports entre l'État et les groupes d'intérêt .

On peut donc se rallier à la conclusion d'un élève de Hans Ulrich Jost, Philippe Maspoli, lorsqu'il écrit que «l'esprit du corporatisme s'est finalement imposé, sous une forme adoucie et convenant aux grandes associations du patronat industriel» .

 

Jean-Philippe Chenaux

 

 

(36) R. de la Porte, Les Idées de demain, février 1912, cité in: Pierre-Yves Simonin, L'Action française et la Suisse romande &endash; Les revues (1904-1930), mémoire de licence, Faculté des lettres de l'Université de Fribourg, [s.l.], [s.n.], 1961, p. 138.

(37) Jean-Philippe Chenaux, «Ligue vaudoise: préhistoire d'un mouvement dans le siècle», Gazette de Lausanne, 10-11 janvier 1981. Créée sur l'initiative de Daniel Simond, qui enseignera au Gymnase et fera une carrière littéraire, la confrérie comprend, outre Marcel Regamey, Richard Paquier, qui deviendra pasteur, Claude Poudret, futur banquier, Pierre Subilia, qui fera carrière à Berne, et un Russe israélite, Wladimir Brodsky. Cette confrérie trouve son deuxième souffle au Gymnase, où elle s'élargit notamment à Victor de Gautard et Alphonse Morel.

(38)«Nous réactionnaires», Ordre et Tradition, Cahier No 10, décembre 1929, p. 22.

(39) Le choix de l'appellation Ordre et Tradition était-il tout-à-fait innocent? La Tour du Pin avait organisé à Paris avec deux amis des «déjeuners du vendredi» où naquit l'association Tradition et Progrès, de laquelle sortira l'Action française; cette référence au progrès, venant d'un homme qui proclamait bien haut «je ne suis qu'un anneau de la chaîne traditionnelle», était pour le moins audacieuse.

(40) La Ligue vaudoise au travail, Lausanne, Imprimerie T. Geneux, 1941, p. 3

(41) André Savoy, Les tâches actuelles de la démocratie chrétienne en Suisse, Fribourg, Secrétariat social romand, tiré à part de L'Action sociale, 1919.

(42) André Savoy, «La corporation», L'Action sociale, 3 décembre 1919.

(43) Cette forte concentration de Réformés au sein de la Fédération patronale «signifie un élargissement non négligeable de l'idéal corporatiste et va de pair avec une laïcisation du mouvement» (Dominique von Burg, Le mouvement chrétien-social dans le canton de Genève, 1936-1949, mémoire de licence, Faculté des lettres de l' Université de Fribourg, 1969, p. 30).

(44) L'organisation patronale corporative à Genève, Groupements patronaux de la Fédération genevoise des corporations, 1942.

(45) Michel Millasson, Le mouvement chrétien-social dans le canton de Fribourg, de 1920 à 1936, mémoire de licence présenté à la Faculté des lettres de l'Université de Fribourg, 1969, 2 vol.

(46) Jean Malherbe, op. cit., pp. 182-188. Cf. aussi Quirin Weber, Korporatismus statt Sozialismus, Freiburg, Universitätsverlag Freiburg, 1989.

(47) Ernest Perrier, «La corporation dans la Suisse politique et sociale», Les Cahiers de la corporation, No 1, novembre 1927. Etonnant parcours que celui de Perrier (1881-1958): ce conseiller d'État et conseiller national fribourgeois, membre fondateur de la Nouvelle société helvétique, entrera dans les ordres en novembre 1932, alors qu'il devait accéder à la présidence du Conseil national l'année suivante. Ordonné prêtre, il sera l'un des prieurs de La Pierre-qui-vire (1950-1951) et le théoricien d'un É chrétien (Cité chrétienne, 1950).

(48) Arnold Bolle, La communauté professionnelle. Ni capitalisme, ni communisme, Neuchâtel, Delachaux & Niestlé, 1955, p. 33. Avocat et notaire à La Chaux-de-Fonds, Bolle (1882-1973) deviendra l'un des membres les plus influents du Parti progressiste national fondé en 1920. Conseiller national, il défendra inlassablement l'idée de créer des communautés professionnelles.

(49) Raymond Devrient, La corporation en Suisse. Ses principes et ses méthodes, Neuchâtel, 1934; Julien Lescaze, Corporation et État, Neuchâtel, 1935; Max d'Arcis, Les réalisations corporatives en Suisse, Neuchâtel, 1935; Joseph Piller, Corporation et fédéralisme, Neuchâtel, 1935.

(50) André Savoy, Le Plan de Dieu dans la Création et la Rédemption de l'Humanité, préface de René Leyvraz, Sierre, Imprimerie sierroise, s. d. [l'avant-propos est daté de 1956].

(51) «Loi sur l'organisation corporative […]», tiré à part du Bulletin officiel des séances du Grand Conseil du canton de Fribourg, 1933-1934. On peut aussi consulter: Jean-Jacques Friboulet, «La pensée politique de J. Piller: corporatisme et fédéralisme dans la perspective du bien commun», in: Société d'histoire du canton de Fribourg (éd.), Fribourg et l'État fédéral: intégration politique et sociale, 1848-1998, Fribourg, Ed. universitaires, 1999, pp. 289-301.

(52) Alfred Piguet, op. cit., t. II, pp. 78-79.

(52) Olivier Meuwly, «Le radicalisme face à la tentation corporatiste dans les années 30. La pensée d'Eugène Hirzel, Pierre Rochat et Rodolphe Rubattel», in: Arnold Fink et al., Des Helvétiens acteurs de la vie politique vaudoise, tirage à part du Livre d'Or de l'Helvétia vaudoise, Imprimeries Réunies Lausanne SA, 2003, pp. 177-223.

(54) Ordre et Tradition, No 1, novembre 1926, p. 51.

(55) Raymond Devrient, L'organisation syndicale et corporative en Italie, thèse de doctorat en droit, mention économie politique (sous la direction de P. Boninsegni), Faculté de droit de l'Université de Lausanne, 1931.

(56) Raymond Devrient, La corporation en Suisse, 1934, p. 60.

(57) Raymond Burnat, Schéma de l'organisation corporative suisse, 1942, p. 3.

(58) Philippe Maspoli, Le corporatisme et la droite en Suisse romande, Faculté des lettres de l'Université de Lausanne, coll. Histoire et société contemporaines, t. 14, 1993.

(59) Albert Masnata, «Industrie et corporation», Gazette de Lausanne, 28 janvier 1935.

(60) Marcel Regamey, «Esquisse d'un régime d'intérêt national», Ordre et Tradition, No 9, janvier 1929, pp. 28-29.

(61) Ibid., pp. 31-32.

(62) Ibid., p. 47.

(63) Ibid., p. 58.

(64) Ibid., p. 59-60.

(65) Françoise Larderaz, René Leyvraz (1898-1973). Portraits et combats d'un journaliste catholique engagé, thèse soutenue à l'Université Lyon II, 1999.

(66) André Mayor, Le mouvement chrétien-social vaudois de 1918 à 1948, mémoire de licence, Faculté des lettres de l'Université de Fribourg, 1967, vol. I, p. 96.

(67) En 1937 et 1938, Raymond Burnat consacre deux lundis par mois au canton de Vaud, un à celui de Neuchâtel et un autre à celui du Valais pour y lancer de nouveaux groupements patronaux. Ce cahier des charges aurait surtout visé à «l'écarter du secrétariat de la Rôtisserie, à cause de son opposition à l'élection de Renaud Barde» (Dominique von Burg, op. cit., p. 29).

(68) Sur les détails du conflit Pierre Dupérier-Roger Edgar Ayer, survenu en 1940, et du conflit Albert Trachsel-Roger Edgar Ayer, qui éclate en 1941 et se traduit par le renvoi du secrétaire ouvrier Trachsel, fin 1941, pour fin juin 1942, cf. notamment la lettre de Dupérier à Mgr Besson du 30 avril 1942, in: André Mayor, op. cit., vol. 2, pp. 43-46. Dupérier, qui présida les Organisations ouvrières pendant six ans, reproche aux milieux protestants avec lesquels il était en contact d'avoir donné la préférence à un secrétaire «démagogue et frontiste» (Ayer) contre un secrétaire catholique (Trachsel). «Connaissant les intrigues qui ont mis le mouvement sous le pouvoir de Mr. Ayer, l'absence totale de directives doctrinales et les influences anticatholiques qui s'exercent de l'extérieur», il «estime en conscience que les catholiques ne peuvent pas accorder leur confiance au mouvement corporatif ouvrier vaudois dans son état actuel». Trachsel, après avoir dirigé le Secrétariat du Cartel vaudois des organisations chrétiennes-sociales et corporatives, deviendra administrateur du Courrier de Genève.

(69) Philippe Hubler, Centre Patronal, notes de la séance des secrétaires du 3 septembre 1964.

(70) Philippe Hubler, Notes de la séance des secrétaires du 27 octobre 1964 au Secrétariat Patronal.

(71) Bernard Prongué, Catholicisme social, corporatisme et syndicalisme chrétien en Suisse romande, 1888-1949, préface de René Leyvraz, Porrentruy, Imprimerie La Bonne Presse, hors commerce (chez l'auteur), 1968, p. 66. Encore faut-il remarquer qu'une présentation de la Charte française du travail faite par le secrétaire adjoint des Groupements patronaux Jean-Jacques Kaspar, le 17 juin 1942, au Secrétariat ouvrier de la Grotte, avait inspiré des remarques critiques à plusieurs membres du Conseil des Corporations. Ainsi, Masnata avait qualifié le document d'«acte révolutionnaire» et relevé que l'institution du syndicat unique était contraire à la doctrine de l'UCS préconisant «le syndicat libre dans la profession organisée» (PV de l'assemblée du Conseil des Corporations du 17 juin 1942).

(72) Raymond Devrient, op. cit.

(73) G. H. Camerlynck et Gérard Lyon-Caen, Droit du travail, Précis Dalloz, 11e éd., 1984, p. 11.

(74) Jean-Pierre Le Crom, Syndicats, nous voilà! &endash; Vichy et le corporatisme, préface de Robert O. Paxton, Paris, Les Editions de l'Atelier/Editions ouvrières, 1995.

(75) Ibid., p. 392.

(76) Archives de la Fédération genevoise des syndicats chrétiens, 20 novembre 1936; Françoise Emmenegger, in: Le mouvement chrétien-social à Genève de 1919 à 1936, mémoire de licence, Faculté des lettres de l'Université de Fribourg, 1969, p. 96.

(77) PV de la séance du Comité de la Fédération romande des corporations du 16 avril 1943, à Lausanne.

(78) On lira avec profit l'article de Jeremias Blaser, «Le système de consultation en Suisse: esquisse réflexive d'une analyse empirique», in: a contrario, Vol. 1, No 1, Lausanne, Ed. Antipodes, 2003.

(79) Philippe Maspoli, op. cit., p.125.