Le deuxième commandement

Les délices du blasphème

"Tu n'emploieras pas en vain le nom de Dieu"

Introduction

Dans les anciens catéchismes, du temps où l'on étudiait les commandements de Dieu, il était d'usage d'en grouper certains : 6e et 9e, 8e et 10e, et aussi 1er et 2e. D'un point de vue pédagogique, cela permettait de raccourcir les commentaires, mais l'un des commandements - en général le second nommé - se trouvait un peu occulté par l'autre. Or, si Dieu les a énoncés séparément par la voix de l'Eglise, c'est bien que chacun a son caractère propre. Dans le cadre de la proclamation des commandements de Dieu, décidée par le CCE comme l'une des premières nécessités pour restaurer l'Europe chrétienne - c'est-à-dire l'Europe tout court - il n'est peut-être pas inutile de revenir sur la spécificité de chaque commandement en commençant par ceux qui sont un peu restés dans l'ombre. Cette démarche se veut pragmatique, l'auteur n'étant ni clerc ni théologien de profession, mais un simple catholique du rang qui essaie avec plus ou moins de bonheur de faire entrer les dix commandements dans sa vie quotidienne.

Le deuxième commandement interdit d'employer en vain le Nom de Dieu et, naturellement, de salir le Nom de Dieu... auprès des hommes s'entend, car Dieu n'a nul besoin de nous pour s'affirmer comme le Tout-Puissant. Mais en tant que Père, Il s'efface jusqu'à nous confier la garde de Son Honneur... Folie d'amour dont nous n'épuiserons jamais la profondeur ! Le deuxième commandement interdit donc le blasphème. A première vue on peut en distinguer trois sortes :

 

- le blasphème manifeste

- le blasphème par personne interposée

- le blasphème par omission

Le blasphème manifeste

C'est celui qui insulte publiquement Dieu ou les choses divines et, sur ce point, on pense d'abord au juron. Certes il s'agit d'une pratique répréhensible mais ce n'est peut-être pas le point le plus important. Il s'agit souvent d'une mauvaise habitude et d'une manifestation d'émotion vive. L'homme, ce perpétuel angoissé a besoin d'une "soupape de sûreté" même s'il se devrait d'en choisir de plus convenables ! Ensuite parce que la gravité des termes varie beaucoup suivant les langues : si vous vous exclamez "Par le Dieu vivant" ou "Dieu me damne", bien des auditeurs auront une impression de préciosité alors que les même mots dits en gascon pour les premiers ou en flamand pour les seconds seront jugés comme étant le summum de l'impiété. Beaucoup de jurons ont été plus ou moins déguisés comme les "Palsambleu" et "Ventrebleu", dans l'Ouest de la France on évite de prononcer le mot sacré ( on dira "on a eu un sapré vent de noroît") à moins qu'ils n'aient été déformés de façon burlesque comme le "je renie Mahomet" qu'écrivait Rabelais après avoir lâché un énorme mensonge... ce qui lui vaudrait peut-être quelques ennuis aujourd'hui !...

Le démon affute ses armes : nous avons - hélas - bien mieux en guise de blasphème publics. Par exemple ces écrits ou ces films qui tournent en dérision ou - j'allais écrire "pire" - dénaturent le message de l'Evangile en en faisant un salmigondis marxo-freudo-écolo-cafouilleux à la pauvre mode du jour. L'air du temps s'en trouve imprégné au point qu'il arrive à certains ecclésiastiques d'y participer. Présenter Notre Seigneur comme un anarchiste est un authentique blasphème car on dénature ainsi l'oeuvre de la Rédemption ; et que dire de ce malheureux prédicateur que j'ai entendu de mes propres oreilles disant " Marie (il s'agissait de la Sainte Vierge) fille-mère, connue comme telle dans son village".

On peut ranger dans cette catégorie certaines plaisanteries qui se veulent "corrosives" ou "décapantes" et qui sont d'authentiques blasphèmes. Il est vrai que la limite n'est pas toujours précise, certains se scandaliseront là où d'autres ne verront que la manifestation d'un mauvais goût, mais il est bon de rappeler qu'il existe une limite. Il n'est pas question de sombrer dans le puritanisme hautain de ceux qui affirment que tout rire est d'essence sacrilège, ce serait difficile au pays de Rabelais, de Boccace, d'Eulenspiegel et de tant d'autres, mais de rappeler qu'il est des plaisanteries à ne pas faire partout, d'autres dont il vaut mieux s'abstenir, qu'il est des dessins et des bandes dessinées authentiquement blasphématoires, même si leur auteur en a fait d'autres de valeur certaine.

Le blasphème manifeste et ouvert est toutefois suffisamment agressif et scandaleux pour ne causer que des ravages limités bien qu'il fasse saigner notre coeur de fils et doive être énergiquement combattu.

Le blasphème par personnes interposées

Cette forme est nettement plus pernicieuse, et fort répandue de nos jours : elle consiste à tourner en dérision toute personne qui aime et respecte Dieu et la Religion dans la mesure exacte où elle manifeste cet amour et ce respect. Ce genre de blasphème est très ancien mais se généralise de manière inquiétante. Il ne s'agit plus de se gausser du poisson du vendredi ou de la messe du dimanche (laquelle est pourtant une obligation d'Eglise) mais de tout ce qu'implique la Foi, en particulier dans le domaine de la morale. Non seulement les jeunes gens qui veulent rester purs mais aussi les ménages qui respectent la loi de l'Eglise sont tournés en dérision et affublés de tous les défauts possibles. Ils sont stupides, acariâtres, égoïstes, avares, ce qui prouve bien que la loi de Dieu est inique, mensongère, inappliquable, ce qui montre bien que, de surcroît, ce ne sont que des hypocrites, des Tartuffes qui ne méritent que trop tout le mépris dont on peut les accabler ! Certains clercs, hélas, apportent de l'eau au moulin des impies, accusant lesdits de respecter la lettre, ce qui est faible (ont-ils seulement essayé ?) de ne respecter qu'elle (qu'en savent-ils ?) en ajoutant que les prostituées entreront dans les premières dans le royaume de Dieu, mais se gardant bien d'ajouter que c'est en raison de la conscience qu'elles ont de la misère de leur pauvre métier et non en vertu de ce métier lui-même. Une prostituée "heureuse et fière de l'être" (en admettant qu'il en existe) ne passerait certainement pas devant le sacristain qui se lève les jours d'hiver pour que l'église soit ouverte à tous à 7 heures !

Il faut bien affirmer qu'il s'agit d'un authentique blasphème car les commandements de Dieu et de l'Eglise ont une origine surnaturelle. Les traiter de monstruosités ou d'impostures revient à traiter de menteur Celui qui a dit "Mon joug est suave et mon fardeau léger".

Le blasphème par omission

Le péché par omission est un péché bien réel, c'est même le seul que l'on puisse reprocher au "mauvais riche" qui n'avait fait qu'oublier Lazare gisant à sa porte. Le blasphème par omission consiste à laisser sous silence la loi et la miséricorde de Dieu. C'est une partie du mystère d'iniquité de la tour de Babel que Dieu "regardait de l'extérieur". On vit sans penser à Dieu, sans même en faire mention. Il est devenu une "hypothèse inutile" comme le disait Laplace dès le début du XIXe siècle même plus digne de la moindre attention comme dans ce "tour de France de deux enfants" édité sous la houlette de Jules Ferry, hymne bien réel à la réalité et à la grandeur de la France, mais où on chercherait en vain la mention d'un seul clocher.

Nous vivons dans ce blasphème permanent. Dieu a été chassé, sauf rares exceptions, de nos mairies, de nos prétoires, de tous les lieux publics et de bien des écoles même chrétiennes. Nos hommes politiques dans leur immense majorité ne cessent de faire référence aux idoles vermoulues à qui ils rendent un culte fervent mais se croiraient ridicules en mentionnant le nom de Marie Reine de France. Comme on peut le croire, cela facilite singulièrement l'adoption de lois iniques où la grandeur de l'homme, donc celle de Dieu dont il est l'image (l'icône disent les orientaux) est le reflet. Il reste du sacré, car l'homme ne peut vivre sans sacré, mais ce sacré sans Dieu n'est plus que l'expression des passions les plus viles et des appétits les plus bas. Chacun peut retrouver les mots "tabous" de notre triste époque "égalité, démocratie, suffrage universel, réalités économiques, gestion, loi du marché", tabous qu'il ne fait pas bon enfreindre ; mais qui parle encore de dignité, d'amour de la vérité, de fidélité, de respect envers les autres ou envers soi-même, de service ? Ce sont là pourtant les qualités mises en avant par Celui "qui est venu pour servir", "qui est doux et humble de coeur" et "qui ne marche pas sur la lampe qui fume encore". Bien que n'étant pas spécifiquement théologiques, ces notions sont tournées en dérision et avilies au nom d'un réalisme qui n'est guère que celui du compte en banque (Vous ne pouvez servir deux maîtres...). La loi de Dieu n'est plus niée, elle est simplement omise. L'homme s'organise comme s'il était seul et qu'il lui revînt de sauver l'homme avec la seule aide de l'homme. On pense que Saint Jean désignait par 7 l'homme sous le regard de Dieu (4 pour la terre et 3 pour Dieu) et par 6 l'homme qui refuse Dieu. Dès lors, le chiffre de notre époque serait 666 c'est-à-dire celui de la Bête de l'Apocalypse. Loin d'en être une forme secondaire ou atténuée, il s'agit du blaspème par excellence : l'homme ignore Dieu - quintessence de la folie !

Conclusion

On voit que le deuxième commandement de Dieu intéresse toutes nos activités, spécialement celles qui sont présentes au CCE. Les défenseurs de la vie en affirment hautement le caractère sacré de par sa provenance : avortement et infanticide sont des crimes mais aussi des blasphèmes car ils sont destruction de l'image de Dieu parmi les hommes. De même, il faut affirmer que "l'éthique" chrétienne affirmée récemment par les Papes, en particulier dans le domaine de la vie conjugale, est non seulement possible - même si elle n'est pas toujours facile - mais qu'elle est la seule solution, car elle vient de Dieu. Dans le domaine économique, il faut restaurer la notion de service et ne pas craindre d'affirmer que réduire l'homme à la production et à la consommation est un blasphème, car l'homme est créé pour aimer et un salaire doit lui permettre de faire vivre une famille dans des conditions normales. Dans le domaine politique, il faut restaurer les vraies valeurs authentiquement humaines, c'est-à-dire regardant l'homme tel qu'il est : une créature aimée de Son Créateur et non le simple sujet à des lois d'autant plus absurdes que leurs motifs sont dénaturés.

Le deuxième commandement de Dieu est celui du respect envers Dieu et envers l'homme en tant qu'image de Dieu. A ce titre il est aussi fondamental pour la reconstruction de notre Europe que tous les autres.

Jean-Bernard Leroy

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